Cour de cassation 1re chambre civile 19 décembre 2019, rapports des couples non-mariés, seing privé, contrat de prêt, enrichissement sans cause, concubinage, article 1302 du Code civil, article 515-8 du Code civil, critère incertain, devoir de conscience, arrêt Boudier, commentaire d'arrêt
En l'espèce, deux personnes physiques sont concubins et ont conclu un contrat de prêt sous seing privé le 14 juin 2007 afin de financer un immeuble à usage d'habitation sis sur un terrain appartenant à la concubine. Les mensualités de remboursement ont été réglées par le concubin jusqu'en septembre 2011 après leur séparation. Le concubin a assigné son ex-concubine en remboursement des sommes versées par lui sur le fondement de l'enrichissement sans cause.
[...] Or la situation du couple est incertaine puisque ces derniers sont concubins. L'article 515-8 du Code civil est le seul à régir cette situation de fait : « le concubinage n'est qu'une union de fait caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ». A contrario les dispositions des régimes matrimoniaux ne peuvent trouver ici aucune application. La relation des concubins ne devrait être régie uniquement que par le droit des obligations : « Recours donc au droit commun pour régler les comptes lors de la rupture du concubinage »[2]. [...]
[...] Son application demeure par définition casuistique et les concubins se trouvent malheureusement dans l'ignorance de ce que peut bien représenter leur propre conscience, puisqu'il reviendra au juge d'en établir le pourtour. La doctrine souligne que la solution esquissée ne manque cependant pas d'audace, car il restera à se convaincre, de façon rétrospective, que le concubin avait pu régler volontairement le prêt : « au temps des jours heureux par devoir de conscience eu égard à ce qu'il allait infliger à sa concubine dans l'avenir, lors de la rupture »[24]. [...]
[...] Il est par la suite devenu une source autonome d'obligation avec la réforme du droit des obligations du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations[6]. Or le visa de l'arrêt étudié ne mentionne que l'article 1302 et non pas l'article 1303 du Code civil. La Cour fonde-t-elle son raisonnement par substitution de motifs puisque le demandeur au pourvoi s'était fondé d'autre part sur le fondement de l'action de in rem verso énoncé par l'article 1303 dudit code : « susceptible de neutraliser sa demande de restitution fondée non seulement sur l'enrichissement sans cause, mais aussi sur un paiement indu. » ?[7]. [...]
[...] À titre d'exemple La Cour d'appel de Metz a refusé de retenir à des concubins après 15 années de vie commune un droit à se maintenir dans la maison d'habitation qui appartenait à sa concubine décédée, et qu'il prétendait fonder sur une obligation naturelle des héritiers en sa faveur[31]. Arrêt étudié. J.-J. LEMOULAND & D. VIGNEAU, Droit des couples, D P Cass., Civ., 1re juillet 1979. Article 815 et suivants du Code civil. Cass juin 1892. J.-J. LEMOULAND & D. [...]
[...] Ce devoir de confiance est une manifestation du solidarisme contractuelle[17]. Cette incertitude comporte un effet pervers en qu'elle peut conduire la Cour à appliquer des dispositions propres aux régimes matrimoniaux à une simple situation de concubinage. Une comparaison peut être dressée avec l'article 271 du Code civil puisque l'obligation naturelle ressemble, à s'y méprendre, à une prestation compensatoire. Elle permet de compenser le déséquilibre financier né de la rupture de l'union, de réduire les disparités causées par la rupture de l'union, afin que le concubin délaissé ne soit pas laissé dans l'indigence[18]. [...]
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