La question posée au juge du droit était celle de savoir si dans le cadre d'un prêt à usage à durée indéterminée consenti pour un usage permanent, le prêteur pouvait y mettre fin à tout moment, et si oui sous quelle(s) condition(s).
La première chambre civile, dans son arrêt du 3 février 2004, répond par la positive aux visas des articles 1875 et 1888 du Code civil, et ce sans détour : « l'obligation pour le preneur de rendre la chose prêtée après s'en être servi est de l'essence du commodat. Lorsqu'aucun terme n'a été convenu pour le prêt d'une chose d'un usage permanent, sans qu'aucun terme naturel soit prévisible, le prêteur est en droit d'y mettre fin à tout moment, en respectant un délai de préavis raisonnable. »
De par cette décision, la Cour de cassation effectue un revirement net par rapport à sa propre décision du 19 novembre 1996, qu'elle avait pourtant atténué le 12 novembre 1998. Les juges du droit sont en effet allez plus loin encore dans le sens du commodant, dans une décision qui apparaît en fait rationnelle mais qui en droit peut porter à débat.
La gageure de la haute juridiction résidant dans la recherche d'une décision rationnelle et équitable au sujet d'un contrat par essence inéquitable et dont le droit spécial ne permettait pas d'aboutir à une solution rationnelle.
Ainsi, en appliquant le droit commun des contrats au contrat spécial qu'est le commodat, la première chambre civile a fait primer l'intérêt du prêteur en lui permettant de résilier unilatéralement le contrat (I). En écartant le juge du processus, elle laisse au prêteur le soin de fixer un délai de préavis raisonnable qui s'avère discutable. Cette déjudiciarisation n'est-elle pas source d'insécurité juridique ? Ne fallait-il pas rechercher un réel compromis ? (II)
[...] C'est semble-t-il ce à quoi a travaillé la première chambre civile. Dès lors, la faculté conférée au prêteur de résilier unilatéralement le prêt est tout à fait justifiée. Ainsi, le respect d'un délai de préavis raisonnable par le prêteur apparaît comme le prolongement logique de la résiliation unilatérale, mais l'on peut se demander tout de même si le juge ne présentait pas plus de garantie, tant pour l'emprunteur que pour le prêteur. II- Une déjudiciarisation défendable mais source d'insécurité juridique Si auparavant les juges du droit et les juges du fond avait pris à l'endroit de l'emprunteur une position favorable, la solution du 3 février 2004 prend le contre-pied de ces décisions et restaure la position de force du prêteur par l'intermédiaire de la résiliation unilatérale (Cf. [...]
[...] En effet, au même titre que la résiliation unilatérale, le délai de préavis est un instrument du droit commun des contrats. Dans son attendu de principe, la première chambre civile énonce, en cas d'absence de terme, le droit du prêteur d'y mettre fin à tout moment en respectant un délai de préavis raisonnable Cette idée de raison anime tant la décision que la volonté des parties. En effet, il apparaît évident qu'un emprunteur ne peut raisonnablement exiger de son prêteur qu'il lui laisse l'objet du prêt indéfiniment. [...]
[...] Ainsi, la Cour de cassation, dans l'arrêt étudié, a souhaité endiguer ce processus remettant en cause l'avenir du commodat. L'intention est louable, mais en écartant le recours au juge au profit d'une résiliation unilatérale associée à un préavis abstraitement qualifié de raisonnable les juges du droit n'ont pas réellement clarifié les choses, ce qui ajoute un caractère incertain à cette décision. Un préavis incertain pour une issue incertaine du litige La notion de préavis raisonnable est abstraite et peut donner lieu à diverses interprétations. [...]
[...] C'est le fondement même de ce prêt, évidemment désintéressé et non générateur de fruit, que la Cour de cassation tend à protéger et surtout à ne pas décourager. Les décisions de 1996 et 2000 n'allaient assurément pas dans le sens du développement du commodat. Elles incitaient d'avantage à préconstituer un acte authentique pour éviter tout litige futur ; mais si cela se comprend pour tout professionnel du droit, le profane pouvait y voir une certaine défiance de l'ami ou du frère, ce qui ajoutait à la bienfaisance du geste un caractère méfiant regrettable. [...]
[...] La réponse est positive. N'est-il pas illogique de montrer d'avantage de sollicitude envers celui qui emprunte à titre gratuit qu'envers celui qui prête au même titre ? La réponse se doit encore d'être positive. Ce n'est pourtant pas la voie qu'a suivi la Cour d'appel ; en ce sens, sa décision devait être cassée. La légitimité de l'application par la Cour de cassation du droit commun des contrats : la nécessité de la résiliation unilatérale En appliquant le droit spécial du commodat, la solution apparaissait dans les faits injuste et contraire à la volonté des propriétaires, ainsi les juges du droit se sont résout à appliquer le droit commun des contrats, ce qui peut être contesté mais qui doit être approuvé 1-L'application au commodat de la faculté de résiliation unilatérale propre à tout contrat à durée indéterminée En indiquant que lorsqu'aucun terme n'a été convenu pour le prêt d'une chose d'un usage permanent, sans qu'aucun terme naturel soit prévisible, le prêteur est en droit d'y mettre fin à tout moment, La Cour de cassation fait application du droit commun des contrats. [...]
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