« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». Tels sont les termes de l'article 1382 du code civil que de nombreux systèmes juridiques étrangers nous envient, tant le phénomène actuel de victimologie rend aisé la réparation du préjudice subi.
C'est dans ces circonstances qu'a été rendu l'arrêt Mobil North Sea par la première chambre civile de la Cour de cassation le 11 mai 1999.
En l'espèce, la société Mobil North Sea (MNS), dont le siège est à Londres, demande à des entreprises françaises d'édifier une plate-forme pétrolière dans une zone de la Mer du Nord soumise au droit écossais (équivalence avec le droit anglais). Une dizaine d'années après son installation, une colonne de l'édifice rompt à cause de la faible épaisseur de l'un des tubes la composant, et provoque l'effondrement de l'ensemble de la plate-forme.
La société MNS engage, en premier lieu, une action en responsabilité contractuelle contre les constructeurs français. Cette action est présumée prescrite en application du droit anglais que les parties ont choisi d'appliquer au sein de leur contrat, du fait de la loi d'autonomie. Dans cet arrêt du 16 janvier 1997, la Cour d'appel de Paris se posait la question de savoir quelle loi était applicable en matière de délit complexe? En d'autres termes, devait elle retenir une prescription de nature procédurale ou substantielle en l'espèce?
En matière de prescription, il s'agissait de choisir entre la loi du fond ou la loi du tribunal saisi selon que la prescription revêt l'une des deux natures. Les exigences entre pays existent puisqu'il n'existe pas d'uniformité internationale sur cette question. Ainsi le débat placé sous l'angle du droit international privé consistait à choisir entre la loi du contrat (loi anglaise) et la loi du tribunal saisi (loi française, du for). L'action était prescrite sur la base du droit anglais alors qu'elle restait recevable vis-à-vis du droit français. La solution retenue par la cour d'appel de la nature substantielle ne peut qu'être approuvée car d'une part le lien avec le fond était très fort et d'autre part une telle solution est de nature à éviter le « forum shopping ».
Ainsi, ne pouvant obtenir de réparation du préjudice sur le terrain contractuel, la société MNS cherche un autre responsable et introduit une action en responsabilité civile extra contractuelle sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil contre le Llyod's Register of shipping (le LRS), organisme chargé au moment des travaux de contrôler le travail accompli par les constructeurs. La société MNS lui reproche d'avoir commis des négligences importantes en Angleterre, en France, en Allemagne et en Belgique dans l'accomplissement de sa mission: la société défenderesse aurait du déceler, selon elle, le défaut affectant la colonne à l'origine de l'effondrement de toute la plate-forme. Le LRS réplique en revendiquant la compétence du droit anglais (loi du lieu du dommage), plus favorable à son égard, puisque l'engagement de la responsabilité civile du défendeur est subordonné à la démonstration d'un manquement du défendeur à une obligation spécifique de soin (« a duty of care ») dont les conditions ne sont pas réunies en l'espèce.
En matière de délit complexe, quelle est la loi que les tribunaux doivent retenir?
Ainsi pour déterminer quelle loi est applicable, la Cour de cassation, dans son arrêt du 11 mai 1999, reprend le principe de proximité (I) et en profite par la même pour le justifier (II).
[...] C'est dans ces circonstances qu'a été rendu l'arrêt Mobil North Sea par la première chambre civile de la Cour de cassation le 11 mai 1999. En l'espèce, la société Mobil North Sea dont le siège est à Londres, demande à des entreprises françaises d'édifier une plate-forme pétrolière dans une zone de la Mer du Nord soumise au droit écossais (équivalence avec le droit anglais). Une dizaine d'années après son installation, une colonne de l'édifice rompt à cause de la faible épaisseur de l'un des tubes la composant, et provoque l'effondrement de l'ensemble de la plate-forme. [...]
[...] Quelle était la loi applicable ? Le naufrage avait eu lieu dans les eaux territoriales écossaises, mais la mission du LRS s'accomplissait dans les pays des constructeurs. Il faut préciser avant d'aller plus loin que l'engagement de la responsabilité civile extra contractuelle du LRS ainsi que la réparation du préjudice par celui-ci dépendait directement du choix de la loi compétente par le juge. Si la loi française était retenue, la société MNS aura gain de cause et pourra obtenir une indemnisation de son préjudice. [...]
[...] En effet, le rôle de constitutionnalité n'a pas les mêmes objectifs que le contrôle de l'ordre public. Ainsi il ne s'applique, par définition, qu'aux dispositions qui font partie de l'ordre juridique français. Il convient donc de ne pas créer de confusion entre ces deux notions, très différentes. Revue critique note de JM BISCHOFF MUIR WATT, Contrefaçon, délit complexe et fonction négative de la proximité JCP G 2002 II 10082 G VINEY, Responsabilité civile Dalloz 2000 I 197 Cass. crim juin 1993 : Bull. crim., n°214 Cass. [...]
[...] Le pourvoi est rejeté, au motif que la société Sisro n'a pas fait la démonstration que la France entretient bien les liens les plus étroits avec la situation. La Cour affirme qu'en présence de la pluralité des lieux de commission, la loi française, n'a pas vocation exclusive à régir l'ensemble du litige, en l'absence d'un rattachement plus étroit, non démontré avec la France Il s'agit bien d'un manque de démonstration de la proximité de la France avec le litige qui est à l'origine du rejet du pourvoi. [...]
[...] La position de la Cour est révélatrice de la volonté de celle-ci de ne pas modifier l'élément de rattachement que représente le lieu du délit. Pour BISCHOFF, devant la vocation des deux rattachements, la moindre proximité, décrite comme une exception d'éloignement permet de disqualifier l'une ou l'autre des deux lois. En d'autres termes la Cour utilise, selon lui, le principe de proximité comme un procédé de détermination d'un élément de rattachement : les comportements du défendeur ne constituant pas des faits juridiques, ils ne sont pas générateurs de responsabilité. [...]
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