Entre la voie pénale et la voie civile, la décision prononcée par les juges répressifs prévaut. Du moins, tel est le cas de l'arrêt du 9 juin 1993 de la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation, qui met, sans conteste, en valeur le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal. En l'espèce, ce postulat a été mis en exergue par un garagiste, qui est accusé d'être la cause indirecte d'un accident de la circulation. Ainsi, Mlle Moyaux avait porté son véhicule à la société Garage Michel Ange afin qu'il la répare. Or, peu après, elle perd le contrôle de sa voiture, provoquant alors un accident. Suite à l'avis des experts, il se trouve que le mécanicien, qui s'est chargé de réparer sa voiture, a omis de replacer une pièce (ce qui a engendré la perte de contrôle).
Par conséquent, Mlle Moyaux assigne, devant les juges répressifs, le mécanicien, préposé du patron de la société ; le 7 décembre 1987, il est relaxé. Suite à quoi, la requérante assigne « devant la juridiction civile la société Garage Michel Ange, prise comme civilement responsable de son préposé, et les Mutuelles du Mans assurances, son assureur ». Malgré le principe de l'autorité de la chose jugée au pénale, les juges du fond condamnent le garagiste, engageant dès lors, sa responsabilité civile. Puis, le 9 juin 1993, la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation se prononce sur le pourvoi du garagiste et accueille favorablement sa demande. La Haute Juridiction semble, alors, réaffirmer le principe de l'autorité de la chose jugée au pénale. En effet, d'après ce principe, les juridictions civiles sont tenues de se conformer à la décision prononcée par les juges répressifs.
En l'espèce, les juges du fond n'ont pas respecté ce principe et considèrent que le garagiste, sur lequel pèse une obligation de résultat, n'a pas démontré qu'il s'en était acquitté correctement. En réponse, ce dernier affirme, dans son pourvoi, qu'il ne peut être légitimement condamné dès lors que les juges répressifs ont relaxé son préposé. Autrement dit, il nie la présomption de responsabilité pesant sur lui, du fait de sa qualité d'employeur. D'ailleurs, sur ce point, la Cour reste assez vague et n'aborde pas explicitement la relation (de contrôle) qui existe entre le garagiste et ses salariés.
Mais un garagiste peut-il véritablement voir sa responsabilité engagée et être condamné civilement, dans l'hypothèse où l'un de ses préposés est supposé avoir commis une faute, dans l'exercice de son travail, et ce, alors même que la juridiction pénale a relaxé ce salarié ? Compte tenu des faits, il semble que la Cour de Cassation refuse d'engager la responsabilité du garagiste.
En somme, elle se fonde sur la décision prononcée par le juge répressif, appliquant ainsi le principe de l'autorité de la chose jugée au pénale (I). Néanmoins, cet arrêt peut soulever la question de l'effectivité et de la force obligatoire de ce principe, la solution pourrait être différente aujourd'hui. D'autre part, il nous pousse à nous interroger sur la qualification du préposé : faut-il l'envisager comme un tiers au contrat ou est-il lié directement à son employeur ? (II).
[...] Selon cette loi, les juridictions civiles peuvent prononcer une condamnation, malgré une relaxe au pénal. - D'ailleurs, selon l'arrêt du 2 février 1965, de la Première Chambre civile, la déclaration par le juge répressif de l'absence de faute pénale non intentionnelle ne fait pas obstacle à ce que le juge civil retienne une faute civile d'imprudence ou de négligence Or, en l'espèce, nous pouvons penser que le garage a commis une faute de négligence, car une pièce a été oubliée. [...]
[...] Par exemple, une partie encore minoritaire de la doctrine émet l'hypothèse que lorsque les juges sanctionnent les commettants, ils sanctionnent également l'entité économique qu'est l'entreprise. Ainsi, les juges incitent les sociétés à jouer un rôle de prévention. - En outre, il semble que les juges accordent réparation à une victime si elle prouve l'existence d'un lien de préposition entre le commettant et le préposé (la définition de ce lien étant assez vague), ainsi que si elle prouve que l'acte à l'origine du trouble faisait partie des fonctions confiées au préposé et que ce dernier peut voir sa responsabilité personnelle engagée. [...]
[...] Cette dernière solution pourrait revenir à pousser le garagiste à vérifier le travail de tous ses employés ; certes, c'est une contrainte, mais elle éviterait certaines erreurs. En somme, si aujourd'hui, les juges devaient se prononcer sur une telle espèce, ils n'hésiteraient certainement pas à contredire la décision des juges répressifs. Plus encore, avec des faits similaires, le garagiste pourrait voir sa responsabilité engagée. La responsabilité de l'employeur pour le fait de son préposé - L'arrêt du 9 juin 1993 démontre que la requérante, Mlle Moyaux, a agi d'abord contre le préposé, puis contre le garage, considéré comme civilement responsable. [...]
[...] - Eventuellement, nous pouvons envisager le doute sur l'imputabilité de la preuve comme une hésitation du juge pénal à condamner le préposé pour une faute qu'il n'a peut-être pas commise. Autrement dit, il pourrait ne pas être, lui même, à l'origine de la faute. Néanmoins, cette hypothèse semble contredite par l'avis des experts. Quels que soient les motifs du juge répressif, le préposé a été relaxé. Selon le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal, les juges civils devraient se conformer à cette décision. [...]
[...] - Les juges du fond relèvent que Mlle Moyaux agit sur le terrain de la responsabilité contractuelle. Par conséquent, le garagiste est tenu à une obligation de sécurité, qui constitue une obligation de résultat, dont il ne peut s'exonérer que par la preuve d'un cas de force majeure ou du fait d'un tiers - Pour ces juges, le garagiste peut être condamné, car il n'a pas exécuté correctement ses obligations. - D'autre part, ils écartent le principe de l'autorité de la chose jugée au pénale, au motif que ce principe ne vaut que par rapport au préposé : le juge répressif s'est prononcé sur le sort du préposé, et non sur celui du garagiste. [...]
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