Cour de cassation, première Chambre civile, arrêt du 3 juin 2010, le prêt à l'usage, liberté syndicale, résiliation de prêts, Cour d'appel d'Orléans, droits de propriété, articles 544 du Code civil, commentaire d'arrêt
Un propriétaire est libre de disposer de son bien comme il l'entend, sauf à commettre un abus. Dans le cas d'un prêt à usage, il doit ainsi respecter un délai de préavis raisonnable quand l'usage de la chose est permanent. La Cour de cassation dans l'arrêt rendu par sa première Chambre civile le 3 juin 2010 a ainsi pu rappeler ce principe. Mais le litige portait avant tout sur la présence de la liberté syndicale et ce qu'elle implique en matière de prêt à usage et in fine de sa résiliation unilatérale par le propriétaire. En l'espèce, une commune a prêté, pour usage, des locaux appartenant à son domaine privé à des organisations syndicales. Elle les a avertis préalablement de son intention de résilier les prêts accordés.
Face à leur refus de quitter les lieux, la commune les a assignés en expulsion devant le juge des référés. Devant la Cour d'appel de Bourges, la commune appelante a été déboutée de ses demandes visant à expulser les organisations syndicales occupantes des lieux sans titres. L'arrêt a été rendu le 26 mars 2009. La Cour d'appel s'est fondée sur l'effectivité de l'exercice de la liberté syndicale pour rendre sa décision. A cet effet, elle a estimé que la commune avait respecté le délai de préavis raisonnable nécessaire à la résiliation ultérieure des prêts. Cependant, elle n'avait pas justifié celle-ci en raison de la qualité des organisations syndicales qui répondent à une mission d'intérêt général en ne leur assurant pas des mesures concrètes pour garantir leur liberté.
[...] À cette fin, le droit de propriété du prêteur ne peut que prévaloir sur l'exercice de la liberté syndicale. A fortiori, la Cour de cassation en visant l'article 11 de la Convention dans son ensemble constate la valeur fondamentale de l'exercice de la liberté syndicale. Mais elle vise également le paragraphe 2 de l'article. Celui-ci dispose qu'il peut y avoir des dérogations prévues par la loi, notamment dans le cadre de la protection des droits et libertés d'autrui », dont le droit de propriété. [...]
[...] Or ce lien est nécessaire pour aboutir à une condamnation de l'État (CEDH, 24/02/1998 Botta c/Italie). Il n'y aurait donc finalement pas de réelles atteintes à l'exercice de la liberté syndicale dont se prévalent les emprunteurs. Mais ceci ne reste qu'implicite dans la solution de la Cour de cassation. Elle souligne seulement que seules les organisations syndicales de la fonction publique territoriale peuvent se prévaloir de rester dans les locaux, malgré la volonté de résiliation unilatérale de la personne morale de droit public. Ce qui crée alors des obligations à la charge du prêteur. [...]
[...] En définitive, l'arrêt pourrait être apprécié sous une interprétation des conditions de l'espèce. Mais il reste tout de même une grande volonté manifeste de la Cour de cassation de protéger particulièrement le propriétaire désintéressé concluant un prêt à usage. Cela est remarquable notamment par les nombreux textes visés dans l'arrêt. Une solution venant confirmer cette jurisprudence avec une espèce partiellement différente incluant par exemple un prêteur particulier face à l'organisation syndicale serait éclairante sur l'esprit définitif qui a animé la Cour en rendant cet arrêt. [...]
[...] Mais la Cour ne s'y est pas limité et a également cité l'article 1er du 1er protocole additionnel de la convention, et les articles et 1888 du Code civil, relatifs au droit de propriété et au prêt à usage. Ainsi, la Cour a pu rappeler une jurisprudence déjà établie depuis 2004 sur la possibilité pour le prêteur de résilier unilatéralement le prêt d'une chose à usage permanent en absence de terme contractuel subordonnée au seul délai raisonnable. Elle a pu ensuite préciser que l'emprunteur n'a pas de droit acquis quant à l'occupation des locaux, et reste tenu, de restituer la chose sans obligation de faire à la charge du prêteur. [...]
[...] Pourtant la Cour laisse la prévalence du droit de propriété en raison du cas particulier du caractère désintéressé du prêt à usage en appliquant littéralement la loi B : Une primauté législative stricte du droit de propriété dans le prêt à usage. La Cour de cassation dans l'attendu de principe qu'elle a remis à l'ordre du jour dans cet arrêt consiste en la reprise de la formule qu'elle suit dans une jurisprudence constante, depuis un arrêt de la première chambre civile du 3 février 2004. Ce chapeau de style est repris avec exactitude. À cet effet, la Cour de cassation interprète littéralement la lettre du Code civil. Il s'agit d'appliquer strictement le texte définissant le régime du prêt à usage. [...]
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