Lorsque l'appauvri à commis une faute d'imprudence ou de négligence, il n'est pas privé de son action en restitution.
C'est précisément ce qu'illustre la décision rendue par la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation dans un arrêt du 19 décembre 2006.
En l'espèce, Monsieur et Madame X ont émis au profit de la société Finalion un chèque d'une valeur de 140 025 francs, en remboursement anticipé d'un prêt. Le Crédit Lyonnais, chargé de l'encaissement, après avoir crédité le compte de sa cliente, n'a pu présenter le chèque au paiement, l'ayant égaré.
Le Crédit Lyonnais a donc assigné les époux X en paiement de la somme sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Mécontent de la décision rendue en première instance, le Crédit Lyonnais interjette appel près la Cour d'Appel de Reims. Mais de nouveau mécontent, le Crédit Lyonnais forme un pourvoi en cassation.
Le Crédit Lyonnais réclame le paiement de la somme sur le fondement de l'action de in rem verso, laquelle est admise, notamment par la jurisprudence de la cour de cassation dans un arrêt du 11 mars 1997 rendu par la première Chambre Civile relatif à l'enrichissement sans cause, dans l'hypothèse où l'appauvri a commis une faute de négligence ou d'imprudence.
Pour la Cour de Cassation, il s'agit de savoir quelle est la nature de la faute de l'appauvri, susceptible de le priver du bénéfice de l'action de in rem verso.
La Cour d'Appel considère que le Crédit Lyonnais a commis « de lourdes fautes de négligences ». Or, en l'espèce, la Cour de Cassation considère que la perte du chèque et sa découverte tardive ne constituait pas une faute lourde au regard de l'enrichissement sans cause. Par ces motifs, la Cour de Cassation casse et annule l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Reims le 6 mai 2004, dans toutes ses dispositions, entre les parties.
Cet arrêt conduit à analyser dans un premier temps l'impact de la nature de la faute de l'appauvri sur son action de in rem verso (I), analyse qui permettra de ce fait de rendre compte du contenu insuffisant de la définition de la faute (II).
[...] C'est ce qu'exprime le juge de la Cour de cassation au travers de l'arrêt du 11 mars 1997. Ainsi, lorsque l'appauvri a commis une faute lourde, il est privé de son droit à restitution. Aussi, la Cour d'Appel de Reims trouve parfaitement anormal qu'un établissement bancaire qui reçoit un chèque d'une telle somme ne s'aperçoive de sa disparition que quatre mois plus tard et par conséquent, elle considère que le Crédit Lyonnais a commis une faute lourde de négligence Une question se pose ici : qu'est-ce qu'une faute lourde de négligence ? [...]
[...] Cette divergence d'opinions ne révèle-t-elle pas là encore une éventuelle insuffisance du contenu de la distinction entre faute lourde et faute non intentionnelle. En effet, on peut constater cette insuffisance à plusieurs occasions. La première occasion se présente lorsque l'on s'interroge sur le sens de l'expression utilisée par la Cour d'Appel lorsqu'elle parle de faute lourde de négligence En effet, la Cour d'Appel combine deux notions, qui entraînent pourtant, en pratique, des conséquences différentes voire antagonistes sur le droit de l'appauvri à son action de in rem verso. [...]
[...] Cette faute dite de négligence par la Cour de cassation est difficilement acceptable de la part d'un professionnel. La faute de négligence ne peut-elle pas également être qualifiée de faute lourde à certaines conditions ? - De par la gravité effective des conséquences qu'elle emporte et, ou - De par le contexte par lequel la faute a été commise et, ou - De par les qualités personnelles ou professionnelles de l'auteur de la faute La Cour de cassation affirme la distinction entre la faute lourde et la faute de négligence, pour autant, elle ne se penche que très peu sur le contenu de ces notions, laissant ce soin à l'appréciation souveraine des juges du fond. [...]
[...] Sur la question de la nature de la faute de l'appauvri en l'espèce, du Crédit Lyonnais, la Cour de cassation n'est pas de l'avis de la Cour d'Appel. B Les conséquences de la faute non intentionnelle La faute de négligence ou d'imprudence n'entraîne quasiment aucune conséquence sur l'action de in rem verso de l'appauvri fautif puisque lorsque celui-ci a commis une faute non intentionnelle, il n'est pas privé de son action, il est simplement susceptible de voir son paiement limité. [...]
[...] Pourtant, cette détermination repose sur des critères inexistants et sur des notions vagues. En effet, si la pratique distingue la faute lourde de la faute d'imprudence ou de négligence, le Code Civil ne connaît pas de définition propre à ces deux notions. A Le contenu indéfini de la distinction entre faute lourde et faute non intentionnelle En l'espèce, là où la Cour d'Appel considère la perte, par un établissement bancaire, d'un chèque d'un montant important, comme une faute lourde de négligence entrainant les conséquences de la faute lourde, la Cour de cassation considère ce même fait comme une faute de négligence ou d'imprudence. [...]
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