Cour de cassation du 11 juin 2009, droit à un procès équitable, arrêt du 16 avril 2008, médecins, infections nosocomiales, article 1147 du Code civil, article 6 de la CESDH Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, arrêt du 11 juin 2009, obligation de moyens, obligation de résultat, principe de rétroactivité, arrêt du 9 octobre 2001, jurisprudence figée, arrêt du 21 décembre 2006, primauté du droit d'accès au juge, Cour de cassation du 21 mars 2018
En l'espèce, une patiente est, entre 1981 et 1982, traitée pour ses varices par injection d'un liquide sclérosant. Elle impute à son traitement sa contamination par le virus de l'hépatite C.
Une action en justice est introduite par la patiente, qui tient son médecin responsable de sa contamination. Un jugement de première instance est rendu dont l'appel est interjeté.
La Cour d'appel de Bordeaux, dans un arrêt du 16 avril 2008, déclare le médecin responsable de la contamination de sa patiente et le condamne à verser une indemnité en réparation de son préjudice.
Le médecin, insatisfait, se pourvoit en cassation. Il soutient, dans un moyen unique, que la cour d'appel a appliqué une jurisprudence, celle de mettre à la charge du médecin, en matière d'infection nosocomiale, une obligation de sécurité de résultat, qui n'a commencé à être appliquée qu'à compter du 29 juin 1999. Or, au moment du traitement de sa patiente, soit entre 1981 et 1982, la jurisprudence qui était appliquée ne mettait à la charge du médecin qu'une obligation de moyens.
[...] L'application de ce revirement de jurisprudence à des actes réalisés avant qu'il ne se produise aboutirait à le priver d'un procès équitable, dès lors qu'il lui est reproché d'avoir manqué à une obligation qui, à la date de la réalisation du traitement, n'était pas à sa charge. La cour d'appel aurait ainsi, en rendant sa décision, violé les articles 1147 du Code civil et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH). La question qui se pose à la Cour de cassation est la suivante : un revirement de jurisprudence doit-il être appliqué à des faits antérieurs à sa réalisation, dès lors que celui-ci représenterait une menace à la sécurité juridique ? [...]
[...] La résultante absence de violation de l'article 6 de la CESDH La Cour de cassation a donc jugé que, étant donné que le médecin n'avait pas été privé de son droit à l'accès au juge, car ayant pu présenter ses prétentions devant les trois cours de justice, la cour d'appel n'avait donc pas violé son droit à un procès équitable au sens de l'article 6 de la CESDH. En effet, il convient de noter que l'invocation de l'article 6 de la CESDH pour contester une atteinte à la sécurité juridique n'est généralement qu'acceptée qu'en matière de délai de prescription sur le fond du principe d'interprétation stricte de toute exception à une règle générale. [...]
[...] La Cour de cassation pose ainsi une première limite à la rétroactivité d'une jurisprudence et admet que celle-ci peut possiblement être écartée si elle supprime à une partie son droit à un procès, consacré à l'article paragraphe 1 de la CESDH. En effet, cette limite a été pour la première fois posée dans un arrêt du 21 décembre 2006 de la Cour de cassation en assemblée plénière, dans une affaire similaire à celle de notre arrêt sur la question de l'application, ou non d'une jurisprudence postérieure au déroulement des faits. [...]
[...] La résultante absence de violation de l'article 1147 du Code civil par la négation de droit acquis d'une jurisprudence La décision de la Cour de cassation fait écho à un arrêt rendu par la 1re chambre civile de la Cour de cassation, le 9 octobre 2001, qui a condamné un médecin pour ne pas avoir informé sa patiente des risques exceptionnels liés à son accouchement, alors qu'au moment de l'accouchement, il n'était contractuellement pas tenu de donner des renseignements complets à sa patiente. Elle procède à un revirement de jurisprudence sur cette question en lui imposant quand même la réparation des dommages causés à sa patiente. Il est fait mention dans ledit arrêt que « l'interprétation jurisprudentielle d'une même norme à un moment donné ne peut être différente selon l'époque des faits considérés ». En effet, il est dit que l'interprétation du juge fait corps avec la loi interprétée. En ce sens, la jurisprudence dispose, par définition, d'un effet rétroactif. [...]
[...] La première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 11 juin 2009, répond à cette question par la négative en rejetant le pourvoi. Elle énonce, dans un attendu de principe, que « la sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable pour contester l'application immédiate d'une solution nouvelle résultant d'une évolution de la jurisprudence, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, dès lors que la partie qui s'en prévaut n'est pas privée du droit à l'accès au juge ». [...]
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