L'affaire Perruche de 2000 reconnaissait un droit à réparation du préjudice de la naissance pour les enfants nés handicapés et dont la maladie résulte d'une faute médicale durant la grossesse. La loi « anti-perruche » de 2002 est venue sanctionner cette jurisprudence, et il semblerait que les différentes juridictions se plient aux nouvelles exigences du législateur. C'est le cas d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat en date du 24 février 2006 qui refuse que l'enfant né handicapé puisse se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance.
C'est également le problème qui se pose à la Cour de Cassation dans l'arrêt de la première Chambre du 9 mars 2004.
En l'espèce, le 9 juin 1984, une femme (Mme X) subit un test prénuptial rubéolique dont le résultat est négatif. Elle passe un second test le 6 mars 1985 qui se révèle positif. Elle donne naissance le 26 octobre 1985 à une fille présentant des troubles psychomoteurs et neurologiques qui décède le 24 avril 1999. La femme attribue le handicap de sa fille à la survenance de la rubéole durant sa grossesse. Elle décide alors d'assigner en responsabilité la gynécologue qui l'a suivie pendant sa grossesse (Melle Y) jusqu'au 6 mai 1987, ainsi que le gynécologue obstétricien (M. Z) auquel elle a ensuite été adressée. Elle agit en son nom personnel et en sa qualité de représentant légal puis d'héritière de sa fille.
Les juges du fond déboutent Mme X de sa demande en réparation du préjudice personnel de l'enfant. La Cour d'appel a refusé d'attribuer les troubles observés chez l'enfant à la contraction de la rubéole in utero, ainsi le lien de causalité entre le handicap et la faute commise n'étant pas fondé il n'y a pas motif à indemnisation.
Toutefois, sa demande est partiellement accueillie du chef de la faute commise par le médecin envers sa patiente. Le juge d'appel a reconnu une faute de la part de la gynécologue qui n'a pas procédé à des tests complémentaires ayant conduit à la perte d'une chance d'une décision éclairée de recours à une interruption volontaire de grossesse. Elle a donc été condamnée à indemniser la victime pour la perte de chance.
La patiente forme alors un pourvoi en cassation au moyen de la violation des articles 1165 et 1382 du Code civil. Elle estime en effet que la faute commise par le médecin l'a empêché d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse. Il y avait un contrat formé entre les deux, dès lors la faute peut ouvrir droit à réparation pour le préjudice personnel de l'enfant.
Le médecin exerce de son côté un pourvoi incident faisant grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à verser des indemnités à la patiente.
La Cour de Cassation doit alors s'interroger sur deux problèmes. En premier lieu, la Cour s'interroge sur le fait de savoir si le handicap d'un enfant peut être indemnisé alors que les experts n'ont reconnu aucune relation directe entre la faute du médecin et le handicap de l'enfant.
En second lieu, les juges se sont demandés si une perte de chance seulement hypothétique pouvait ouvrir droit à réparation.
La Cour répond à ces questions en deux temps.
Elle estime dans un premier temps que l'absence de lien direct de causalité entre la faute commise par le médecin et les troubles de l'enfant interdit d'indemniser la victime du préjudice personnel de l'enfant. Elle confirme ainsi la décision de la Cour d'appel : « en l'absence de relation directe entre le handicap de l'enfant et la faute commise, elle [la Cour d'appel] n'a pu que rejeter la demande d'indemnisation ».
Dans un second temps, la Cour considère que la perte de chance de la patiente ne présente qu'un caractère « hypothétique » dans le sens où « il était impossible d'affirmer que si Melle Y…avait mené des investigations complémentaires, Mme X…aurait été dans les conditions médicales exigées par la loi pour que soit pratiquée une interruption thérapeutique de grossesse ».
De fait, la Cour de Cassation casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel mais seulement dans ses dispositions condamnant le médecin à indemniser la perte de chance de la patiente.
Il convient alors de mettre en lumière dans un premier temps l'étude de la perte de chance de la mère (I), avant d'étudier la possibilité de l'indemnisation du préjudice personnel de l'enfant handicapé (II).
[...] En effet, la faute du médecin consistait à ne pas avoir effectué les examens nécessaires pour déterminer la date de l'infection rubéolique afin de savoir si elle était survenue durant les six premières semaines de grossesse. Dans ce cas, cela peut entraîner des troubles pour l'enfant à naître. Cependant, une telle faute n'a pas pu provoquer le handicap de l'enfant. De plus, les rapports des experts ont clairement fait ressortir que le handicap de l'enfant n'était pas lié à l'infection rubéolique in utero. C'est également ce qu'estime la Cour de cassation. [...]
[...] Pour la perte de chance, le principe est que le dommage doit être réparable. Donc, seul un dommage réel peut donner lieu à réparation. On estime donc que si la chance est sérieuse, sa perte constitue un préjudice certain donc réparable et dont l'étendue peut varier selon les différentes probabilités. Les faits ont démontré que la gynécologue, suite aux examens révélant l'infection rubéolique, n'a pas mené les investigations complémentaires permettant de dater la survenance de la maladie. Il s'agit donc bien d'une faute du médecin. [...]
[...] C'est le cas d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat en date du 24 février 2006 qui refuse que l'enfant né handicapé puisse se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance. C'est également le problème qui se pose à la Cour de cassation dans l'arrêt de la première Chambre du 9 mars 2004. En l'espèce, le 9 juin 1984, une femme (Mme subit un test prénuptial rubéolique dont le résultat est négatif. Elle passe un second test le 6 mars 1985 qui se révèle positif. Elle donne naissance le 26 octobre 1985 à une fille présentant des troubles psychomoteurs et neurologiques qui décède le 24 avril 1999. [...]
[...] Les juges du droit ont fini par consacrer la notion de perte de chance dans deux arrêts de la 1re Chambre civile des 30 octobre 1995 et 8 juillet 1997. En l'espèce, le moyen ne retient pas la perte de chance. Pour la demanderesse au pourvoi, le lien de causalité est établi entre la faute de la gynécologue et le préjudice subi par son enfant. La Cour d'appel d'Aix-en-Provence refuse d'établir un lien de causalité direct qui a de plus été écarté par les experts. [...]
[...] La Cour de cassation procède donc ici à une stricte interprétation de la loi sur le droit des malades, autrement appelée loi Kouchner du 4 mars 2002. Cette loi dispose en son article 1er nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance Elle est entrée en vigueur le 7 mars 2002. Ce problème du préjudice de la naissance a longtemps fait débat, et c'est d'ailleurs pour cela que cette loi est intervenue. Dans un premier temps, la Cour de cassation a admis, par deux arrêts du 26 mars 1996, la réparation d'un préjudice moral et financier pour la mère à propos de la naissance d'enfants handicapés. [...]
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