À propos de l'arrêt que nous allons étudier, le Professeur Mémeteau se demande si la théorie de la préposition occasionnelle va de soi. Nous allons voir en effet que ce principe est parfois écarté par la Cour de cassation.
Dans cette affaire, un gynécologue obstétricien fut blessé à l'occasion d'une intervention chirurgicale se déroulant dans une clinique à laquelle il était lié par un contrat d'exercice libéral. L'accident était dû à la manipulation d'une table mobile d'opération de la clinique par une panseuse, préposée de cette dernière. Le médecin a donc recherché la responsabilité de la clinique en tant que commettant de la panseuse. Les juges du fond lui donnèrent droit, ainsi que la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 19 mars 1999, et condamnèrent la clinique à réparer le préjudice subi par le médecin du fait de la panseuse. La clinique se pourvoit en cassation en estimant que la panseuse était, lors de l'intervention chirurgicale, placée sous la seule autorité du médecin, et donc qu'elle ne pouvait être déclarée responsable du fait de sa préposée. Il faut donc se demander si bien que la préposée de la clinique était, à l'occasion de l'intervention, sous l'autorité du médecin, la clinique est responsable des dommages causés au médecin.
[...] Et cette division, ce fractionnement pour reprendre l'expression du Professeur Jourdain, est bien une exception au fait que le préposé ne saurait être cumulativement le préposé de deux commettants distincts, donc la théorie du préposé occasionnel ne s'applique pas. On peut alors se demander selon quels critères le lien de préposition se dédouble. En effet, si l'on admet un fractionnement de celui-ci entre deux commettants, quel sera le commettant responsable de tel fait du préposé ou de tel autre ? On peut déjà regretter que la Cour de cassation ne donne pas une ligne de partage claire dans cet arrêt, expliquant plus précisément le fondement de la responsabilité de la clinique. [...]
[...] On peut d'abord estimer que le médecin serait le commettant responsable d'un préposé lorsqu'il a commis un fait dommageable en se conformant à la lettre à ses instructions et à ses directives. Par extension, on pourrait juger le médecin responsable de tous les actes du préposé étant directement en rapport avec l'intervention médicale, en se fondant sur le fait que le médecin est un professionnel censé avoir l'entière maîtrise de l'intervention médicale, ou, pour reprendre les termes de l'arrêt parce qu'il fait preuve d'« indépendance professionnelle dont il bénéficie dans l'exercice de son art Par opposition, tout ce qui ne concernerait pas l'intervention chirurgicale en tant que telle serait du ressort de la clinique, comme la manipulation du matériel, et notamment, la manipulation de la table d'opération. [...]
[...] La clinique étant alors présumée responsable, le seul moyen d'exonération étant la cause étrangère. Or, en matière de responsabilité du fait d'autrui, il est nécessaire pour pouvoir s'exonérer de prouver que le tiers qui a commis un acte dommageable n'a pas été introduit par le débiteur dans l'exécution du contrat. Le tiers fautif étant ici une panseuse employée de la clinique, prenant par à l'exécution du contrat, la clinique ne pouvait ainsi s'exonérer. On peut donc considérer que bien que la solution rendue en l'espèce soit justifiée par une certaine volonté de réparer le dommage, il eut été moins difficile et plus pertinent de se placer sur le terrain de la responsabilité contractuelle. [...]
[...] Toute la particularité de cet arrêt est que c'est le commettant occasionnel qui est victime du dommage. En raisonnant par l'absurde, si l'on en était resté à la solution traditionnelle de la responsabilité du commettant occasionnel du fait du préposé, la seule responsabilité qu'il aurait pu engager serait la sienne, même s'il faudrait aussi se pencher sur le type de fautes commises par la panseuse, et voir si sa responsabilité pouvait être aussi engagée, ce que l'on ne peut déterminer aux vues des faits relatés. [...]
[...] La question majeure qu'il convient de se poser quand on est dans le cas d'un préposé occasionnel est de savoir qui est le commettant responsable du fait du préposé. La détermination du commettant suit un principe a priori strict : le non-cumul du lien de préposition. En effet, si l'on admet que le lien de préposition peut alternativement s'établir entre un préposé et deux commettants, on n'admet pas, en principe, que le lien de préposition puisse être cumulativement établi entre un préposé et deux commettants. [...]
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