La classification des biens corporels paraît simple. En effet, l'article 516 du Code civil dispose que « tous les biens sont meubles ou immeubles ». Cet article pose alors un principe général fondé sur une considération simplement d'ordre physique. Ainsi, par application du Code civil, on peut dire que les meubles sont les biens qui comportent un déplacement possible d'un lieu à un autre, alors que les immeubles ont une situation fixe. Cependant cette summa divisio traditionnelle peut parfois se complexifier puisqu'en effet un meuble peut par fiction juridique devenir immeuble et inversement. Ainsi le critère objectif d'ordre physique n'est plus le seul à entrer en jeu, il est accompagné d'un critère subjectif, celui de la volonté individuelle du propriétaire.
L'arrêt commenté du conseil d'Etat du 24 février 1999 illustre le problème de la qualification d'un bien en meuble ou en immeuble.
En l'espèce, en 1769, le sculpteur Lecomte a réalisé des bas-reliefs en marbre pour être incorporés au dessus des portes du grand salon du château de la Roche Guyon, « dont l'aménagement a été terminé à cette date ».
Par arrêté du 6 janvier 1943, le château de la Roche Guyon fut classé monument historique. Puis, deux ans plus tard, le 10 avril 1945, plusieurs objets faisant partie du décor du grand salon, qu'il s'agit de meubles par nature ou d'immeubles par destination comme par exemple des tapisseries furent eux aussi classés comme monument historique.
Le 3 juin 1987, la Société Transurba acheta à un prix symbolique le château et après une mise en liquidation judiciaire décida de revendre ce château par morceaux. Ainsi, en 1990, les bas reliefs furent détachés des portes du grand salon pour arriver à destination du Louvre où ils furent mis en exposition.
Dans une volonté de conserver le patrimoine, le ministre de la Culture, ordonne, par arrêté du 10 juillet 1995, à la société Transurba de remettre en place les bas reliefs.
La société Transurba refuse alors de se plier à la volonté du ministre de la Culture et décide d'exercer un recours en annulation de cet arrêté.
Par un jugement du 4 juillet 1996, le Tribunal administratif de Versailles ordonne l'annulation de l'arrêté du ministre de la Culture. Ce dernier interjette alors appel devant la Cour administrative d'appel de Paris qui censure le jugement du tribunal administratif dans un arrêt datant du 11 juillet 1997. Le Conseil d'Etat, saisi par la société Transurba, considère qu'il n'y avait pas eu dénaturation des faits et rejette la requête par arrêt du 24 février 1999.
La classification des biens semble être une classification simple (I) qui, pourtant, se complexifie par une question d'opportunité modifiant l'opposition classique définie par le Code civil (II).
[...] En principe, c'est l'état actuel de la chose qui détermine sa qualité actuelle de meuble ou immeuble Quelle que puisse être la force du lien qui unit la chose à un immeuble, sa rupture élimine la qualification d'immeuble. Des fresques décorant un bâtiment deviennent des meubles si elles sont détachées. Une maison mobile conservant en permanence des moyens de mobilité lui permettant d'être déplacée par simple tractation ou simplement posée sans travaux ni fondations ne semble pas pouvoir être traitée comme un immeuble (CE mai 1992, Maris, Req.110179). [...]
[...] En effet, en l'espèce, la société Transurba, propriétaire du château de la Roche Guyon est également propriétaire des bas-reliefs qui ornent les portes du grand salon puisque cette même société se permet alors de mettre à la disposition du Musée du Louvre les bas-reliefs lors de sa mise en liquidation judiciaire. La deuxième condition à remplir pour qualifier le meuble d'immeuble par destination est de savoir si le propriétaire à affecter ce meuble à l'immeuble. Deux types d'affectation sont alors à sa disposition, à savoir l'affectation au service de son exploitation ou à perpétuelle demeure. Concernant l'affectation au service de son exploitation, celle-ci concerne les exploitations industrielles, agricoles et commerciales. [...]
[...] En effet, les bas-reliefs semblent être par nature des meubles puisque le sculpteur les a modelés séparément du château. Ces œuvres n'étaient pas initialement, lors de la création, incorporées directement dans les portes du grand salon, mais c'est le sculpteur qui les a modelés par rapport aux dimensions de ce château de la Roche Guyon. Cette qualification des bas-reliefs en immeuble par destination a été confirmée par le tribunal administratif. Il reste alors à savoir si les conditions d'un immeuble par destination sont remplies. En effet, il faut que le propriétaire du meuble soit également propriétaire de l'immeuble. [...]
[...] En effet, il s'agissait de boiseries intimement et spécialement incorporées à un bâtiment dont elles ne pouvaient être séparées sans porter atteinte à son intégrité que la cour de cassation a qualifiée d'immeuble par nature. A l'inverse, une bibliothèque construite aux dimensions exactes de la pièce et fixée à l'immeuble où elle avait été placée était qualifiée d'immeuble par destination (Cass. 1ère Civ mars 1991 D inf. rap. P86). En l'espèce, les bas-reliefs font beaucoup plus référence à l'exemple de la bibliothèque d'autant plus que selon le tribunal administratif de Versailles, ces mêmes bas-reliefs n'étaient pas originairement modelés pour le grand salon du château et qu'ils n'avaient été fixés qu'après par des patins de plâtre et retenus par des pattes métalliques (TA Versailles juin 1996 D p33, concl. [...]
[...] Par exemple, les statues, elles sont immeubles lorsqu'elles sont placées dans une niche pratiquée exprès pour les recevoir, encore qu'elles puissent être enlevées sans fracture ou détérioration Ainsi, Aubry et Rau considèrent qu'est immeuble par destination un bâtiment qui n'est pas complet sans le meuble considéré, ce qui n'est pas le cas d'un meuble placé dans un bâtiment d'une manière temporaire. Le Code civil implique la présence d'un lien matériel. Or, en l'espèce, il ne s'agit plus d'un lien matériel, mais d'une affectation purement subjective liée à la volonté de l'architecte ou du propriétaire du château. L'aménagement spécial provenant du propriétaire se substitue alors à l'attache matérielle. [...]
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