Si la recherche des causes est une pente naturelle de l'esprit humain, la tâche est peu aisée. Cependant cela demeure une exigence de bon sens et un souci de justice sociale. Ainsi la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dut traiter de cette question du lien de causalité dans deux affaires en date du 5 octobre 2006 et du 20 décembre 1972.
S'agissant de l'arrêt du 20 décembre 1972, dans les faits : un garçon Z de 16 ans s'est introduit dans un cabanon appartenant à Mr X et dont la fenêtre n'était défendue que par un volet vétuste. Le jeune Z y pénètre, vole des détonateurs et finit par se blesser en les manipulant.
Le père de Z a assigné Mr X en réparation du préjudice subi. Dans un arrêt du 26 mai 1971, la cour d'appel d'Aix a fait droit à cette demande et a déclaré Mr X en partie responsable du dommage du fait de la négligence de surveillance du cabanon. Mr X a alors formé un pourvoi en cassation.
S'agissant de l'arrêt du 5 octobre 2006, dans les faits : le jeune X est monté sur le toit d'un bâtiment désaffecté appartenant a la société X, il a alors chuté au travers d'une plaque en PVC. Il a alors assigné la société X en réparation du préjudice subi.
La cour d'appel de Rouen par un arrêt du 2 mars 2005 a débouté Mr Y en considérant qu'il ne peut être affirmé que le préjudice a pour origine directe une faute caractérisée par la société X. Mr Y a alors formé un pourvoi en cassation.
Par conséquent, la deuxième chambre civile dans ces deux affaires a dû répondre à la suivante question : la carence à interdire efficacement l'accès d'un bâtiment peut-elle être considérée comme une cause génératrice de responsabilité ?
[...] ( 1.2 ) 1 Une interprétation discrétionnaire des caractères du lien causal Tout serait si simple si l'enchaînement causal entre le fait générateur et le dommage était immédiat ou si à un dommage ne correspondait qu'un seul fait causal. Mais la réalité est beaucoup plus complexe et chaque préjudice à une pluralité de causes. C'est ce que démontrait déjà Pothier avec son célèbre exemple de la vache pestiférée : soit une vache achetée par un agriculteur, cette vache meurt de la peste quelques jours après son intégration au troupeau, avant son décès la bête avait déjà contaminé le reste du troupeau, tout le troupeau meurt à son tour, ceci entraîne la ruine du propriétaire, cette ruine entraîne enfin elle-même le suicide du propriétaire. [...]
[...] Par conséquent, la deuxième chambre civile dans ces deux affaires, dû répondre à la question de savoir si : la carence à interdire efficacement l'accès d'un bâtiment peut-elle être considéré comme une cause génératrice de responsabilité ? La solution est divergente suivant les arrêts : la Cour de cassation y répondit par la négative, d'une part le 20 décembre 1972 en affirmant que le préjudice invoqué était sans relation de cause à effet avec la négligence de surveillance du bâtiment. [...]
[...] C'est ce que fait notamment remarquer Dejean de la Bâtie dans sa note.[2] 2 L'affirmation d'un lien de causalité entre le défaut de surveillance du bâtiment et le préjudice Dans l'arrêt du 5 octobre 2006 la haute juridiction prend une position totalement différente celle de l'arrêt précédent. En l'espèce il s'agissait ici d'un jeune homme tombé d'un toit d'un bâtiment désaffecté, la Cour de Cassation estime ici que le défaut de surveillance du bâtiment de la part du propriétaire constitue bien une cause génératrice de responsabilité : l'accident ne se serait pas produit sans cette négligence, qui était ainsi en relation de causalité certaine avec le dommage subi par la victime Le raisonnement juridique qui aboutit à cette solution fait application de la théorie de l'équivalence des conditions. [...]
[...] En somme, cette théorie impose d'établir un rapport de probabilité entre l'événement et le dommage censé en résulter. En l'espèce dans l'arrêt du 20 décembre 1972, il était clair que les propriétaires du bâtiment ne pouvaient s'imaginer que leur défaut de surveillance pourrait entraîner la blessure d'un jeune homme du fait de détonateurs. En effet ils affirment clairement ne pas savoir comment des détonateurs avaient pu se trouver dans le bâtiment. Il est donc évident que selon le cours normal des choses le défaut de surveillance ne peut être considéré comme la cause adéquate. [...]
[...] Dans l'arrêt du 5 octobre 2006, le propriétaire était informé par la mairie de la dangerosité du bâtiment, or il n'a pris aucune mesure pour y remédier. À l'inverse, dans l'arrêt du 20 décembre 1972, le propriétaire n'avait pas été averti d'une quelconque dangerosité de son bâtiment, par ailleurs le préjudice subi par le jeune homme n'est pas dû au bâtiment intrinsèquement, mais aux objets qui s'y trouvaient. Au final, il semble donc que la responsabilité du propriétaire dans l'arrêt du 5 octobre 2006 soit supérieure au propriétaire de l'autre arrêt. [...]
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