Si la faute de la victime antérieure au fait dommageable est prise en compte de façon constante par le droit, le comportement de cette dernière dans la phase postérieure à l'accident a, jusqu'à une époque récente, peu préoccupé le droit positif. Les arrêts rendus par la deuxième chambre civile de la cour de cassation le 19 juin 2003 viennent rompre avec cette indifférence.
Dans la première espèce, une victime d'un accident de la circulation, qui assignait le responsable et son assureur en réparation de l'aggravation d'un préjudice corporel, s'est vu opposer par ces derniers, à titre de moyen de défense, son refus de pratiquer une rééducation orthophonique et psychologique qui aurait été de nature à diminuer l'aggravation du dommage. L'arrêt de la cour d'appel, qui avait accueilli ce moyen, est cassé par la cour de cassation, sous le visa de l'article 1382 du Code civil, au motif selon lequel « l'auteur d'un accident est tenu d'en réparer toutes les conséquences, et que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ».
Dans le second arrêt, une boulangère et sa fille, blessées dans un accident de la circulation, ont assigné le responsable et son assureur en réparation des préjudices résultant, notamment, de la perte du fonds de commerce. Le responsable leur opposa la possibilité qu'elles auraient eu de faire exploiter ce fonds par un tiers, estimant que le préjudice n'était donc pas imputable au fait dommageable originaire, mais à la négligence des victimes. L'arrêt de cour d'appel qui avait accueilli cet argument est cassé par la haute juridiction par des motifs identiques à ceux de la première espèce.
A travers ces deux arrêts, la cour de cassation était donc appelée à se prononcer sur la possibilité d'imposer au défendeur, postérieurement à l'accident, un comportement de nature à diminuer le préjudice subi. Elle exclut clairement une telle obligation, refusant donc de mettre à la charge de la victime une obligation de minimiser le dommage (I), dont la portée exacte reste toutefois à définir (II).
[...] La possibilité d'imposer au demandeur un comportement de nature à diminuer le dommage a en revanche été assez largement reconnue en droit comparé, notamment dans les pays de common law, sous le terme de mitigation of damages (pour une étude détaillée de cet aspect). La Cour de cassation prend donc pour la première fois parti sur la possible transposition de cette notion en droit français, qu'elle rejette dans des arrêts formulés à l'évidence en terme de principe. Le refus de la victime d'adopter un comportement de nature à réduire le préjudice ne saurait donc être pris en compte pour diminuer son droit à réparation. [...]
[...] Or, si la majorité des auteurs semble hostile à une transposition pure et simple de la mitigation of damages, qui impose à la victime des diligences parfois démesurées, le refus total de prise en compte de son comportement, quelle que soit la nature des actes en cause, peut sembler excessif. Certaines conduites de la victime postérieures au dommage peuvent en effet être illicites. Peut-être serait-il alors opportun de retenir la qualification de faute de cette dernière afin d'assurer une certaine moralisation des comportements réciproques dans la phase postérieure au fait dommageable. [...]
[...] Commentaire comparé des arrêts du 19 juin 2003 Si la faute de la victime antérieure au fait dommageable est prise en compte de façon constante par le droit, le comportement de cette dernière dans la phase postérieure à l'accident jusqu'à une époque récente, peu préoccupé le droit positif. Les arrêts rendus par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 19 juin 2003 viennent rompre avec cette indifférence. Dans la première espèce, une victime d'un accident de la circulation, qui assignait le responsable et son assureur en réparation de l'aggravation d'un préjudice corporel, s'est vu opposer par ces derniers, à titre de moyen de défense, son refus de pratiquer une rééducation orthophonique et psychologique qui aurait été de nature à diminuer l'aggravation du dommage. [...]
[...] L'affirmation de ce principe La solution consacrée par la Cour de cassation dans ses arrêts du 19 juin 2003 est a priori très large, marquant la volonté de l'imposer amplement en droit français. Cette volonté est tout d'abord attestée par la communauté de visas et de motifs des deux décisions, alors que des fondements différents auraient sans doute pu être retenus (droit à l'intégrité corporelle dans la première espèce ; absence de rupture de lien de causalité dans la seconde). [...]
[...] La haute juridiction opère certes, dans les deux décisions du 19 juin 2003, un visa à l'article 1382 du Code civil, et motive ses arrêts par le principe de la réparation intégrale. Cette démarche ne justifie toutefois que très partiellement la solution retenue. Le principe de la réparation intégrale implique en effet que le responsable soit tenu d'indemniser la victime de la totalité des préjudices subis. Mais encore faut-il pour cela que le dommage soit considéré comme réparable dans son intégralité par le juge, et donc que celui-ci évince toute prise en compte du comportement de la victime dans la phase postérieure au fait dommageable,ce que la Cour de cassation ne justifie pas formellement. [...]
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