Commentaire groupé d'arrêts, Première Chambre civile, Chambre commerciale, Cour de cassation, 28 juin 2005, loi étrangère, juge français
Les tribunaux français, pour connaître le droit applicable lors d'un conflit présentant un élément d'extranéité, font appel à leurs règles de conflit de lois. Lorsque la règle de conflit renvoie à la lex fori, s'appliquent naturellement leurs propres lois. Le problème se pose lorsque leurs règles de conflit désignent une loi étrangère : il faut en rechercher la teneur. A qui, du juge ou des parties, incombe cet apport ? La jurisprudence a du apporter des réponses, notamment par deux arrêts de la Cour de cassation du même jour, « Aubin », rendu par la première Chambre civile, et « Itraco », de la Chambre commerciale, le 28 juin 2005.
Dans la première affaire, un acte authentique signé en Allemagne a été contesté par un des cocontractants, qui diligenta une action en contestation devant le Tribunal de grande instance du Mans, qui le condamna. Ce dernier interjette appel devant la Cour d'Appel du Mans contre la décision et invoque l'application du droit allemand, au motif que la loi applicable en matière de contrat est celle du lieu de formation de l'acte, soit la loi allemande. La Cour d'appel fait application de la loi française à titre subsidiaire, le demandeur n'ayant pas rapporté la preuve qui lui incombait de la teneur de la loi étrangère qu'il invoquait.
Le deuxième arrêt présente le cas d'une société française qui a conclu un contrat d'acheminement avec une autre société, en provenance d'Australie vers l'Egypte. Des manquements ayant été constatés par le client, ce dernier assigne le transporteur en réparation du préjudice subi, devant un tribunal français, qui fonde sa décision sur une Convention internationale, à laquelle la France n'était pas partie. Le client interjette appel en demandant l'application de la loi australienne. La Cour d'appel écarte la loi australienne et applique la loi française, au motif que le requérant n'avait pas apporté la preuve de la teneur de la loi étrangère.
La défaillance dans l'apport de la preuve du contenu de la loi étrangère applicable par la partie qui l'invoque justifie-t-elle l'application subsidiaire de la lex fori ? En outre, les parties sont-elles tenues d'apporter la preuve de la teneur de la loi étrangère applicable qu'elles invoquent ?
A qui, du juge ou des parties, incombe la charge de la preuve du contenu de la loi étrangère applicable ?
[...] En outre, les parties sont-elles tenues d'apporter la preuve de la teneur de la loi étrangère applicable qu'elles invoquent ? À qui, du juge ou des parties, incombe la charge de la preuve du contenu de la loi étrangère applicable ? C'est dans la jurisprudence que des règles sont apparues, à l'égard du juge et des parties l'arrêt Aubin marque un tournant dans l'apport de la charge de la preuve (II). I. Les règles dégagées par la jurisprudence en matière de charge de la preuve Après plusieurs revirements de jurisprudence, l'arrêt Amerford, rendu par la chambre commerciale le 16 novembre 1993, et Driss Abou de la Première Chambre civile le 1er juillet 1998 avait de nouveau tranché le débat en partageant l'apport de la preuve du contenu de la lex causae entre les parties et le juge en fonction de la matière en cause. [...]
[...] Cette requête peut être tacite, dans le silence des parties, résultant de conclusions convergentes. Néanmoins, la Cour a considéré que le défaut d'apport du contenu de la loi étrangère applicable ou d'une décision différente si cette loi n'était pas appliquée était un faux conflit privant l'application de cette loi invoquée. B. La charge de la preuve incombe au juge en cas de droits indisponibles Le problème s'est posé ensuite dans les cas où le juge doit d'office appliquer la loi étrangère, on ne peut laisser le fardeau de la preuve entre les mains d'une partie, d'où l'arrêt Driss Abou où la Cour pose le principe qu'en matière de droits indisponibles, le fardeau de la preuve pèse sur le juge : le juge doit recherche, au besoin d'office, le contenu de la loi étrangère. [...]
[...] Le juge étant obligé de juger, sous peine de déni de justice en vertu de l'article 6 du Code civil, il doit rendre sa décision selon la lex fori. La lex fori a alors une vocation subsidiaire à s'appliquer : elle se substitue au droit étranger lorsque son contenu ne peut être prouvé. Le juge doit désormais toujours motiver sa décision sur les raisons pour lesquelles il applique la loi étrangère ou pour lesquelles il ne peut juger selon cette dernière, pourtant applicable, au vu des obstacles qui l'y contraignent. [...]
[...] Commentaire groupé d'arrêts de la Première Chambre civile et de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 28 juin 2005: la loi étrangère et le juge français LA LOI ÉTRANGÈRE ET LE JUGE FRANÇAIS (la preuve de la loi étrangère applicable) Commentaire groupé Cass. Civ. 1re juin 2005, Aubin et Cass. Com juin 2005, Société Itraco : Les tribunaux français, pour connaître le droit applicable lors d'un conflit présentant un élément d'extranéité, font appel à leurs règles de conflit de lois. [...]
[...] L'office du juge rétabli par les arrêts du 28 juin 2005 La Cour n'a, en l'espèce, pas suivi sa jurisprudence antérieure, en écartant la distinction des droits disponibles et indisponibles qu'elle a à juger et en donnant à la lex fori une vocation subsidiaire A. L'indifférence aux matières en cause Dans les deux affaires, la Cour n'a pas repris la distinction entre les droits disponibles et indisponibles pour faire peser sur les parties ou le juge la charge de la teneur de la loi étrangère applicable : aucune des décisions ne tient compte de la matière en cause, bien qu'il s'agisse de droits indisponibles dans l'arrêt Aubin s'agissant d'un acte authentique, qui est un acte public, et d'une invocation par un des plaideurs du droit étranger applicable en matière de droits disponibles dans l'affaire Itraco En effet, dans ce dernier arrêt, la Cour a cassé la décision de la Cour d'appel, estimant qu'il n'appartenait pas à la partie qui l'invoque, mais au juge, de rechercher le contenu de la loi australienne : la même solution qu'en matière de droits indisponibles a donc été étendue aux droits disponibles. [...]
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