François Duquesne affirmait que « la réduction voire la disparition du droit à réparation de la victime en raison de la faute qu'elle a pu commettre dans la réalisation du dommage est un principe bien ancré au sein de notre jurisprudence ». L'arrêt en question du 28 février 1996 de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en donne une nouvelle illustration. Mr Bernard Aybram s'est vu confier pour une soirée Sonia Pierre, âgée de huit ans. Alors qu'elle jouait sous la table, elle s'est soudainement relevée et mise à courir. Toutefois, elle a heurté David Aybram, lui aussi mineur, qui transportait une casserole d'eau bouillante. Mlle Sonia Pierre a subi des brûlures. De fait, Mme Pierre a demandé réparation de ce préjudice à Mr Bernard Aybram et à son assureur, le Groupe des populaires d'assurances. La Cour d'appel de Besançon, dans un arrêt du 27 janvier 1994, confirme le jugement retenu en première instance. Les juges du second degré ont retenu l'entière responsabilité de Mr Bernard Aybram et ont donc exclu toute faute de la victime Mlle Sonia Pierre. Mr Bernard Aybram décide alors d'intenter un pourvoi. Il devient alors le demandeur au pourvoi et souhaite voir casser la décision de la Cour d'appel de Besançon au motif que le comportement de Mlle Sonia Pierre constituait une faute ayant concouru à la réalisation du dommage. La défenderesse au pourvoi, Mme Pierre souhaite quant à elle voir rejeter le pourvoi. Aussi était-il demandé à la Cour de cassation de se prononcer sur la question de savoir si un mineur peut voir sa responsabilité civile engagée alors même qu'il ne peut discerner les conséquences de ses actes. La Cour de cassation rappelle dans un attendu de principe que « la faute d'un mineur peut être retenue à son encontre même s'il n'est pas capable de discerner les conséquences de son acte ». La Cour d'appel affirmait que le comportement de l'enfant ne peut être considéré comme constituant une faute à cause de son jeune âge. C'est donc à bon droit que la Cour de cassation casse et annule cet arrêt. La Haute juridiction, rappelle alors dans cet arrêt qu'un mineur peut, par son comportement, constituer une faute.
Dans cette affaire, la Cour de cassation confirme les solutions des quatre arrêts de l'Assemblée plénière du 4 mai 1984. De plus, cet arrêt est intéressant notamment sur deux points. D'une part, la Cour de cassation donne sa position quant à la faute objective. D'autre part, elle met en œuvre l'appréciation in abstracto de la notion de faute objective. De fait, la Cour de cassation admet la faute objective de l'infans (I) même si cette décision reste sévère en soit (II).
[...] L'enfant doit donc partager avec la personne en charge de la surveiller la réparation du préjudice. Cette décision est d'autant plus sévère que l'intérêt du principe réaffirmé ave force dans cet arrêt apparaît très limité. Sur le fondement de l'article 1384 alinéa 4 du code civil, la responsabilité des parents aurait pu être engagée au seul regard du lien de causalité entre l'acte du mineur et le dommage. De ce fait, Mr Bernard Aybram, père de David, aurait pu alors échapper à la réparation s'il avait démontré qu'il n'avait pu empêcher le fait de son enfant. [...]
[...] Elle commence son arrêt par le visa de cassation en y mentionnant l'article 1382 du code civil Ce dernier dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer Ensuite, dans un chapeau elle place son attendu de principe en vertu duquel la faute d'un mineur peut être retenue à son encontre même s'il n'est pas capable de discerner les conséquences de son acte Ici, la question qui se pose est celle du discernement de l'enfant. Toutefois, en l'espèce la Haute juridiction refuse de faire allusion à l'élément subjectif de la faute. Elle n'excuse pas le comportement de l'enfant en le comparant au comportement d'enfant d'âge équivalent. C'est ce que l'on appelle une appréciation in abstracto de la faute. [...]
[...] En effet, désormais, la responsabilité civile consiste moins en la sanction d'un comportement illicite qu'en un instrument juridique permettant à une victime d'obtenir réparation des dommages qu'elle a subis. [...]
[...] C'est pourquoi cette décision, même si elle s'inscrit dans une jurisprudence constante depuis les quatre arrêts du 4 mai 1984, parait sévère. II) Une décision confirmative tout en étant sévère Cette décision n'est qu'une continuité de ce qui a déjà pu être émis même si elle peut paraître sévère au moment même où nous allons vers une objectivation de la faute La confirmation de jurisprudences antérieures Cet arrêt du 28 février 1996 se place dans la continuité du mouvement d'objectivation de la faute qui a lieu depuis la loi du 3 janvier 1968 sur la responsabilité des personnes atteintes de troubles mentaux. [...]
[...] La disparition de la condition d'imputabilité rend en effet sans objet la discussion relative à la réduction du droit à réparation en raison du fait non fautif de la victime auquel la jurisprudence ne fait d'ailleurs plus allusion. Une jurisprudence sévère pour la victime mais utile Cet arrêt de la Cour de cassation apporte une solution sévère en la matière. Effectivement, cette solution permet au juge de retenir très aisément la faute. Malgré son manque de discernement en raison de son âge plus ou moins jeune, l'enfant pourra se voir reconnu responsable de la réalisation d'un dommage. D'autant plus que ce même enfant n'est pas forcément conscient de ses actes et surtout des conséquences de ceux-ci. [...]
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