Troisième chambre civile de la Cour de cassation, 18 janvier 1995, 27 mai 1998, 15 décembre 1999, contrat de bail, terme du bail, bail à durée déterminée, bail à durée indéterminée, articles 1709 et 1737 du Code civil, vice de perpétuité, action en nullité du bail perpétuel, commentaire comparé
Dans la première espèce, une propriétaire donne un immeuble à bail jusqu'au décès des preneurs mais leur donne congé. La Cour d'appel de Rennes dans un arrêt du 13 mars 1992 a déclaré ce congé valable et ordonné l'expulsion des locataires au motif que la durée du bail n'était pas fixe et déterminable à l'avance puisqu'elle dépendait d'un événement inconnu et imprévisible qui constituait un terme contractuel dont l'échéance était incertaine, le bail ne pouvant donc pas être considéré comme à durée déterminée...
Dans la seconde espèce, une société civile d'exploitation agricole est constituée par un acte qui prévoyait que l'un des co-gérants, s'il devenait propriétaire de certaines parcelles de terre, devait les consentir à bail à la société ou lui en concéder la jouissance jusqu'à sa dissolution. Dans un arrêt du 26 mars 1996, la Cour d'appel de Paris refuse l'établissement d'un bail sur les parcelles dont le co-gérant est devenu propriétaire, en déclarant la promesse nulle car perpétuelle...
Enfin, dans la dernière espèce, un bail portant sur des terrains est conclu entre deux communes, renouvelable au gré du preneur pour les besoins du fonctionnement d'une station de sports d'hiver. Le bailleur a assigné le preneur en annulation de la convention. Le tribunal administratif de Pau se déclare incompétent pour statuer sur cette annulation. Le litige est porté devant les juridictions judiciaires. La Cour d'appel déclare l'action de la commune bailleresse prescrite. Celle-ci forme un pourvoi au motif que l'action en nullité d'un acte conclu sans limitation de durée est imprescriptible et que de plus, la Cour d'appel aurait dû vérifier si le jugement du Tribunal administratif de Pau avait interrompu la prescription.
[...] De la sorte, on dira plus exactement que le bail assorti d'un terme incertain est assimilé à un bail à durée déterminée. » La Cour de cassation a donc une appréciation souple de la durée déterminée du bail, puisque stricto sensu elle n'est pas déterminée ou déterminable en l'espèce, le terme incertain, même si certain dans sa survenance, rend donc le bail assimilable à un bail à durée déterminée même si cette solution n'est pas forcément intuitive. Ici encore dans un arrêt publié au bulletin, la Cour de cassation confirme une solution déjà affirmée, notamment par un arrêt de la troisième chambre civile du 23 avril 1974, et qui est pérenne, puisque reprise dans un arrêt du 10 mars 2010. [...]
[...] Par ces trois arrêts, la Cour de cassation apprécie la durée du bail, plus précisément son terme de façon ambiguë et limite l'action résultant de l'absence de ce terme par l'effet de la prescription (II). L'appréciation du terme du bail ambiguë Dans les deux premières espèces, les solutions retenues bien que de jurisprudence constante concernant la prohibition des baux perpétuels interpellent quant à leur cohérence La prohibition des baux perpétuels rappelée Selon l'article 1709 du Code civil, louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer ». [...]
[...] On pourra cependant souligner qu'en l'espèce la commune a attendu 38 ans pour agir contre le bail, cependant on peut comprendre que l'anormalité du bail ne saute aux yeux du bailleur que lorsqu'elle l'empêche de sortir du contrat par exemple et qu'il se rend compte de la nature de son engagement. La commune est donc à la merci de la seconde commune preneuse qui peut, grâce à l'effet de l'écoulement du temps, jouir des terrains à l'infini dans le temps. Cependant, une porte de sortie existe pour le bailleur. En effet, en droit français, l'exception de nullité est perpétuelle. [...]
[...] Cette solution illustre la difficile conciliation de la prohibition des engagements perpétuels, nécessaire dans un état de droit, et la force obligatoire des contrats créatrice de sécurité juridique. En l'espèce, l'excès dans l'engagement du bailleur potentiel, qui sans accord de sa part peut courir jusqu'à 99 ans, rend impossible une pleine force obligatoire de la promesse conclue. Ces 99 ans dépassant presque sans aucun doute la durée de vie du bailleur, celui-ci se retrouverait en fait bloqué par un contrat au-delà de son existence, cette solution montre qu'un tel engagement n'est pas admis en droit, n'est pas assorti du pouvoir de l'exécution forcée. [...]
[...] Cette solution force tout de même à utiliser des moyens détournés au lieu de traiter efficacement le problème. Réputer une partie du contrat ou la clause litigieuse non écrite aurait été une autre solution envisageable, comme en matière de clause abusive, qui aurait permis de ce genre de situation, au lieu de maintenir des contrats pourtant illicites. La prohibition des baux perpétuels, bien que réaffirmée, même si toutefois l'appréciation du terme n'est pas toujours claire, se trouve entamée par cette solution très critiquée. [...]
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