L'article 145 du Code de Procédure Civile permet, avant tout procès au fond, de solliciter en référé ou par requête les mesures d'instruction légalement admissibles s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige. En matière de requête, cette procédure a parfois pu se révéler problématique après que la jurisprudence ait tenté d'en limiter la portée. Les arrêts rendus par la deuxième chambre civile les 7 Mai 2008 et 15 janvier 2009 en attestent.
En l'espèce en 2008, sur le fondement de l'article 145 du Code de Procédure Civile, une société obtint du Président d'un Tribunal de Commerce, statuant sur requête, la désignation d'un huissier de justice pour se rendre au siège de la partie adverse, supputée se livrer à des actes de concurrence déloyale.
[...] En effet, on l'a dit : le rapprochement des articles 145 et 875 du Code de Procédure civile avait eu un effet pervers, à savoir l'introduction de l'urgence comme nouvelle condition de l'obtention d'une mesure d'instruction à futur. Ici, la Cour de cassation ne fait aucune mention de l'article 875 et se concentre uniquement sur l'article 145 : voilà, selon elle, le seul fondement à même d'obtenir une meure d'instruction sur requête. La Cour consacre l'autonomie de l'article et le sépare de son dangereux corollaire. [...]
[...] La solution de 2009 renoue ainsi avec un certain idéal de justice et d'équité, tel qu'ambitionné par Gérard Cornu lors de la rédaction du Nouveau Code de Procédure civile. Le demandeur à une mesure d'instruction à futur peut désormais obtenir des preuves indéniables à l'insu du défendeur sans être contraint de satisfaire à un impératif d'urgence. Arguer de la nécessaire éviction du contradictoire afin de privilégier la requête sur le référé n'est cependant pas qu'une simple formalité. L'on constate en effet que cette justification fait l'objet d'une attention rigoureuse de la part des juges du fond. [...]
[...] En permettant à plusieurs juridictions d'exercer un pouvoir provisoire (ainsi du Président du Tribunal de Grande Instance, du Juge d'instance ou encore du Président du tribunal de commerce comme dans le cas en l'espèce), le Nouveau Code de Procédure civile a cependant diversifié cette procédure et l'a rendue possible dans des cas très variés, au-delà de la simple urgence. L'arrêt de 2008 n'est ainsi qu'un réflexe, un sursaut pour rétablir l'urgence au sein d'une procédure provisoire qui, naturellement, la supposait. L'arrêt de 2009 prouve pourtant que le référé a changé : la condition de l'urgence est désormais détachée de l'application de ces procédures provisoires. Celles- ci ne se résument plus forcément à l'urgence. [...]
[...] Comme le fait remarquer Grégory Mouy : en s'y étant refusée en 2008, la Cour de cassation se montrait anachronique, voire passéiste puisque la jurisprudence y avait déjà procédé en matière de référé. Une Chambre mixte de la Cour de cassation avait en effet décidé, et ce dès le 7 mai 1982, que lorsqu'il statuait en application de l'article 145 du Code de Procédure civile pour ordonner une mesure d'instruction par voie de référé, le juge des référés n'était tenu qu'au respect des conditions fixées par cet article, et non pas à celles de l'article 872 du Code de Procédure civile (étrangement assimilable à notre article 875, car encore destiné à l'intention du Président du tribunal de Commerce) désormais donc, la demande de mesure d'instruction à futur sur requête formée est uniquement subordonnée, en application de l'article 145 du Code de Procédure civile, à l'existence d'un motif légitime. [...]
[...] De manière tout à fait logique donc, la Cour a ici été tentée de fusionner les deux articles. Elle déclare ainsi que toute mesure d'instruction obtenue par voie de requête sur le fondement de l'article 145 du Code de Procédure civile devra satisfaire aux deux conditions posées par son homologue, l'article 875 : la situation devra être suffisamment urgente pour justifier la mesure, le demandeur devra arguer de la nécessité de contourner le respect du contradictoire. Au final donc, pour obtenir une mesure d'instruction à futur, le demandeur devra démontrer réunir l'ensemble des 3 conditions prévues par l'ensemble des deux textes visés par la Cour en 2008 : existence d'un motif légitime établissement de circonstances justifiant une dérogation au principe du contradictoire, urgence (875). [...]
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