L'apparence, notion très controversée par la doctrine, oblige le mandant, en l'absence de tout faute de sa part, à remplir les engagements pris par le mandataire hors des limites de ses pouvoirs. Pour comprendre cette notion d'apparence, revenons tout d'abord sur la définition du contrat de mandat.
Le contrat de mandat se définit comme celui par lequel une partie charge l'autre d'accomplir des actes juridiques pour son compte en son nom. Celui qui confère cette mission s'appelle le mandant et celui qui la reçoit le mandataire.
Le mandat apparent constitue le cas le plus fréquent d'application de la théorie de l'apparence. Pour protéger les tiers qui ont cru légitimement aux pouvoirs d'un mandataire apparent, la jurisprudence va consacrer les effets d'un mandat alors qu'un tel mandat n'est pas donné : le pseudo mandant va se trouver obligé envers le tiers comme s'il avait conféré un pouvoir au mandataire apparent. Le mandat apparent ne produit du mandat que les effets liés à la représentation, c'est-à-dire ceux qui lient le mandant au tiers contractant. Entre le pseudo mandant et le mandataire apparent, les effets contractuels du mandat sont en revanche absents puisqu'il n'y a pas de contrat entre eux et par conséquent pas d'obligations réciproques.
Le mécanisme du mandat apparent permet-il d'engager le mandant en l'absence de toute faute de ce dernier ? Telle est la question à laquelle les juges de la Cour de cassation ont été confrontés dans des arrêts du 13 décembre 1962, du 4 mars 1997 et 26 mai 1999.
Dans les espèces des arrêts des 26 mai 1999, 4 mars 1997 et 13 décembre 1962, un conflit d'intérêts éclatent entre le tiers contractant qui tient au bénéfice de son contrat tandis que le non mandant entend ne pas être lié, puisqu'il n'a pas consenti. La difficulté est d'assurer un équilibre entre ces deux aspects de la sécurité juridique.
Le problème à résoudre est le suivant : est-il nécessaire, pour qu'une personne soit tenue d'exécuter un engagement pris en son nom par une autre, qui n'a reçu d'elle aucun pouvoir, que l'examen des circonstances qui ont fait croire au cocontractant à l'existence des pouvoirs permette d'affirmer qu'une imprudence du prétendu mandant a contribué a susciter chez le cocontractant cette croyance erronée ? Il s'agit d'examiner si les circonstances sont de nature à éveiller les soupçons du tiers sur la réalité des pouvoirs du mandataire ce qui confère à ce dernier l'obligation de procéder à une vérification de ces pouvoirs. L'assemblée plénière de la Cour de cassation a considéré dans son arrêt de principe rendu le 13 décembre 1962 que « le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, même en l'absence de faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs. » L'arrêt du 4 mars 1997 se base sur cette décision pour préciser que lorsque les circonstances sont de nature à éveiller les soupçons du tiers sur la réalité des pouvoirs du mandataire apparent, le tiers doit procéder à une vérification de ces pouvoirs. Dans l'arrêt rendu le 26 mai 1999, la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré que les époux et la société étaient liés par un mandat apparent et que la cour d'appel avait précisé en quoi l'erreur commise par les époux était légitime.
Ces trois arrêts sont doublement intéressants en ce que d'une part ils considèrent l'erreur légitime comme un fondement devenu constant de la théorie de l'apparence (I) et en ce que d'autre part ils précisent les conditions nécessaires à l'application de la théorie de l'apparence (II).
[...] Ici apparaît l'élément psychologique de la théorie de l'apparence. S'il vient en dernier, c'est parce que la réunion des deux premiers fait présumer son existence : le demandeur, une fois qu'il a montré que la réalité était cachée sous une apparence contraire, est présumé s'être trompé : la bonne foi se présume. La nécessité de bonne foi du tiers contractant trompé par l'apparence L'assemblée plénière de la Cour de cassation dans son arrêt du 13 décembre 1962 énonce indirectement dans son arrêt de principe la condition de bonne foi du tiers pour que le mandat apparent puisse être reconnu. [...]
[...] Cette faute du mandant entraîne un dommage certain pour le tiers qui, traitant avec le mandataire, a cru, à tort devenir créancier du mandant. La réparation le plus appropriée de ce préjudice consiste à rendre le mandant débiteur du tiers contractant, tout comme si le mandataire avait agi dans la limite de ses pouvoirs. Ainsi M. CALAIS AULOY explique : une tendance générale paraissait s'affirmer : considérer comme fautive toute création d'apparence trompeuse ; c'était la négation de la théorie de l'apparence ou plutôt son absorption par celle de la responsabilité civile. [...]
[...] En effet la cour d'appel a reconnu par l'analyse des circonstances le caractère légitime de l'erreur du tiers. Ainsi la cour d'appel a relevé dans les faits de l'espèce qu' il n'y avait rien de surprenant, compte tenu de l'identité des noms, à ce que la société New England France, dont le siège est à Paris, représente la société New England International, dont le siège est à Bruxelles, pour les contrats souscrits et exécutés en France et qu'on pouvait supposer que la société dont le siège était à Paris était une filiale de l'autre société. [...]
[...] Une telle argumentation aurait de toute façon sans doute été écartée par la Cour de cassation ; en effet M. CALAIS AULOY explique que l'application de ce texte se heurte à une objection fondamentale : le lien entre la société et son représentant n'est pas un lien de commettant à préposé, car il ne comporte pas de subordination étroite et constante. Il est dès lors inexact de considérer la société comme responsable des fautes de son mandataire. L'arrêt de principe de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 13 décembre 1962 apparaît donc comme un revirement de jurisprudence ; il rompt ainsi avec la jurisprudence antérieure qui se basait sur la faute pour engager la responsabilité du mandant. [...]
[...] Telle est la question à laquelle les juges de la Cour de cassation ont été confrontés dans des arrêts du 13 décembre 1962, du 4 mars 1997 et 26 mai 1999. Dans les espèces des arrêts des 26 mai mars 1997 et 13 décembre 1962, un conflit d'intérêts éclatent entre le tiers contractant qui tient au bénéfice de son contrat tandis que le non mandant entend ne pas être lié, puisqu'il n'a pas consenti. La difficulté est d'assurer un équilibre entre ces deux aspects de la sécurité juridique. [...]
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