La jurisprudence a depuis longtemps admis la réparation de la perte d'une chance, à certaines conditions toutefois. Dans les arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation, le 21 novembre 2006 et le 4 juin 2007, il s'agit de préciser ces conditions.
Dans la première espèce, M.Z, avocat, a conseillé à ses clients, les époux XY, de former un pourvoi. Mais, par son inertie, il leur avait fait perdre une chance sérieuse d'obtenir la cassation de la décision. Les époux XY ont donc engagé une action en responsabilité contre leur avocat aux motifs qu'il leur a fait perdre la chance d'obtenir la cassation de la décision rendue dans cette affaire, et qui leur était défavorable. La Cour d'appel de Bordeaux dans un arrêt du 21 mars 2005 a condamné M.Z a réparé la perte de chance subie par les époux XY. Un pourvoi a alors été formé contre l'arrêt
Dans la seconde espèce, la commission de surendettement des Yvelines a commis une erreur qui a conduit les époux X à ne pas user de la possibilité de requérir la suspension de la saisie immobilière auprès du juge, ouverte par l'article L. 331-5 du code de la consommation. Les époux X ont alors assigné l'agent judiciaire du Trésor devant les juridictions judiciaires en condamnation de l'Etat en raison du fonctionnement défectueux de la commission de surendettement des Yvelines. La Cour d'appel de Versailles dans un arrêt du 8 juillet 2005 a condamné l'Etat à indemniser les époux X..., au titre de la perte de chance de pouvoir vendre leur maison hors la barre du tribunal. Un pourvoi est alors formé contre l'arrêt de la cour d'appel.
La Cour de cassation dans ces deux espèces a du se demander si la disparation d'une éventualité favorable incertaine et actuelle constituait une perte de chance réparable.
Dans les deux espèces, la Cour de cassation a répondu par la négative, cassant ainsi le raisonnement des juges d'appel et affirmant que seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable. Cependant, si dans la première espèce, l'arrêt est rendu au visa de l'article 1147 du Code civil, dans la seconde il l'est au visa de l'article 1382 du Code civil.
Cette solution montre donc que la Cour de cassation exige que la perte de chance revête les caractères certains et actuels (A) et que la chance soit définitivement perdue (B).
[...] Elle sanctionne ainsi les victimes passives qui laissent leur chance s'envoler sans rien faire pour y remédier. Sa position est donc totalement contraire à celles adoptées par les cours d'appel dans les deux espèces puisque celles-ci conditionnaient la réparation de la perte de chance non pas au recours à tous les moyens nécessaires pour éviter la survenance d'un dommage mais à l'existence d'une faute. Il s'agit de la faute du cocontractant dans la première espèce, la solution étant fondée sur l'article 1147 du Code civil. [...]
[...] Commentaire comparé des arrêts Civ 21novembre 2006 et Civ juin 2007 La jurisprudence a depuis longtemps admis la réparation de la perte d'une chance, à certaines conditions toutefois. Dans les arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation, le 21 novembre 2006 et le 4 juin 2007, il s'agit de préciser ces conditions. Dans la première espèce, M.Z, avocat, a conseillé à ses clients, les époux XY, de former un pourvoi. Mais, par son inertie, il leur avait fait perdre une chance sérieuse d'obtenir la cassation de la décision. [...]
[...] Dans l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 21 novembre 2006, la cour d'appel avait accueilli la demande des appelants aux motifs que leur avocat leur avait fait perdre une chance sérieuse. Mais, la Cour de cassation casse l'arrêt aux motifs que la perte de chance invoquée n'était pas actuelle ni même certaine dans la mesure où les demandeurs avaient encore la possibilité de se pourvoir contre la décision litigieuse. Parallèlement, dans l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 4 juin 2007, la Cour de cassation censure la cour d'appel qui avait condamné l'Etat à indemniser les appelants au titre de la perte de chance de pouvoir vendre leur maison hors la barre du tribunal, alors qu'ils disposaient des ressources nécessaires pour faire un prêt et suspendre la saisie immobilière. [...]
[...] Tout ceci rend la définition de la perte de chance stricte, mais ce caractère strict est salué, principalement en doctrine Une définition stricte saluée Cette solution qui donne une définition stricte de la perte de chance est saluée en doctrine. En effet, de nombreux auteurs accueillent avec enthousiasme cette solution. A titre d'exemple, le Professeur Philippe Stoffel-Munck est satisfait par le fait que cette solution soit plutôt stricte dans la mesure où l'admission de la perte de chance constitue déjà en elle-même une entorse à l'exigence de certitude du préjudice. Avec une telle solution, l'admission de la perte de chance est restreinte. [...]
[...] Ceci est notamment salué en doctrine. En outre, cette solution apparaît véritablement stricte lorsque l'on sait que le Conseil d'Etat a admis dans un arrêt du 5 juillet 2006 que les conséquences résultant de la perte d'une chance sérieuse d'obtenir satisfaction devant la juridiction administrative en raison de la faute professionnelle d'un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation doivent être indemnisé dans leur totalité comme un préjudice suffisamment certain Cependant, une nuance peut être apportée au caractère strict de cette solution. [...]
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