Il s'agit de deux arrêts rendus respectivement par la chambre civile de la Cour de cassation le 27 février 1951 et par la première chambre civile de la Cour de cassation le 15 juin 1994. Ils ont tout deux trait à la question de l'omission délibérée, par des scientifiques, de sources historiques, de nature à engager leur responsabilité délictuelle.
Dans la première espèce, l'arrêt fut rendu par la chambre civile de la Cour de cassation le 27 février 1951.
Les faits :
Albert Turpain, professeur de science, avait publié en 1931 divers articles dans lesquels il contestait l'importance du rôle qu'avait joué le professeur Branly dans l'invention de la Télégraphie sans Fil.
Le professeur Turpain, après qu'il eut contesté l'importance de ce dernier dans l'invention de la Télégraphie sans fil (TSF), s'abstint volontairement de mentionner le nom du professeur Branly dans un article publié en 1939.
[...] Le professeur Turpain interjeta appel de cette décision, et dans un arrêt du 5 février 1943, la Cour d'appel de Poitiers infirma le jugement de première instance. Elle estima que le professeur Turpain n'avait pas agi par mauvaise foi, ni par malice ou avec l'intention de nuire. Un pourvoi en cassation de cette décision fut alors formé, vraisemblablement par le professeur Branly. La Cour avait alors dû répondre à la question de droit suivant : - La mauvaise foi d'un historien peut-elle être appréciée au regard de l'omission volontaire des travaux d'un autre auteur ? [...]
[...] Evidemment, l'exclusion de l'importance de la bonne foi, même si elle est relative, ne va pas sans induire un autre fondement : respectivement, dans les deux espèces, à l'incrimination de l'historien et au rejet partiel - du pourvoi du demandeur qui attaquait son publiciste. II) La condamnation d'une inertie active : la dialectique au secours de la recherche d'une certaine vérité L'inertie dont font preuve les historiens lorsqu'ils omettent de publier d'autres sources semblent plus ou moins importante selon les contingences, même si un élargissement global de leur jurisprudence classique est observable dans les deux espèces Il semble également que le sens et la valeur de ces deux arrêts ne vont pas sans révéler la source d'une inquiétude légitime à l'égard de leur portée La condamnation d'une inertie active En droit, l' inertie est un terme qui s'applique d'avantage à la responsabilité du fait des choses qu'à celle du fait des personnes. [...]
[...] Le jugement qui intervint en première instance fit droit à la demande des consorts de Portes, d'une part, et d'autre part à celle de Jean-Jacques Servan-Schreiber, en donnant acte de l'aveu d'une erreur contenue dans un passage de son ouvrage. La Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 19 mai 1992, rendit un arrêt infirmatif, faisant droit à l'interjection vraisemblable de l'auteur du livre, mais en omettant de faire référence à son précédent aveu judiciaire. Les consorts de Portes formèrent alors un pourvoi en cassation de cette décision. [...]
[...] Les juges suprêmes ne relèvent pas cette omission : il est vrai qu'elle semble moins grave que dans la première espèce, la disproportion entre l'importance de l'historien à l'égard de l'objet de l'article et la façon dont son nom est dissimulé étant plus caractéristique que l'omission de thèses contraires par rapport à un élément du livre de l'autre historien dont l'essentiel n'a pas uniquement trait à la mère des demandeurs au pourvoi. Il s'opère également, en filigrane, une approche similaire au régime de l'abstention pure et simple. La pénétration du régime de l'abstention pure et simple Lorsqu'un comportement passif est pénalement réprimé, généralement, une faute civile en découle : notamment dans le cas de la non-assistance à personne en danger. [...]
[...] Au moins le comportement de l'historien était-il très suspect. Dans la deuxième espèce, le terme même de foi (bonne ou mauvaise) n'est pas utilisé. Cette nouvelle absence de mention révèlerait un écartement absolu de l'intentionalité si celle-ci, malgré tout, ne transparaissait pas dans l'arrêt. En effet, elle est encore évoquée implicitement par les juges de la Cour de cassation au travers de l'évocation de l'aveu judiciaire : celui-ci révèle qu'au moins un des passages de son livre relatait un fait qui était, sur le plan historique, faux : en ayant donné foi à la légende selon laquelle la mort d'Hélène de Portes aurait été provoquée par la chute d'une valise remplie de lingots d'or Cette épisode fictif révèle le parti pris de l'auteur dans une démarche tendant à salir la réputation d'Hélène de Porte, sinon en manifestant du mépris pour la vérité, du moins en reflétant la permissivité de sa démarche. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture