Un maire peut-il utiliser son pouvoir de police générale pour faire exécuter d'office la démolition d'un immeuble susceptible d'effondrement lorsque les règles de la police spéciale des édifices menaçant ruine, qui lui est attribuée, le lui interdisent ? Oui, répondirent les 4ème et 5ème sous-sections réunies du Conseil d'Etat dans un arrêt surprenant du 10 octobre 2005, Commune de Badinières.
En l'espèce, le maire de cette commune avait ordonné la démolition d'un bâtiment qui menaçait de s'effondrer à la suite d'un incendie. Cet ordre avait été exécuté d'office le jour même.
Le propriétaire de cet immeuble avait saisi le tribunal administratif de Grenoble, demandant l'annulation de l'arrêté municipal et l'indemnisation du préjudice subi du fait de la démolition de son immeuble.
[...] Cependant, un parallèle à la jurisprudence du péril imminent évoqué ci-dessus nous semble plus adapté, d'une part parce que, contrairement à la théorie des circonstances exceptionnelles, elle intervient dans le contexte précis d'une concurrence entre police générale et police spéciale, et d'autre part parce que la théorie des circonstances exceptionnelles entre en jeu lorsqu'une situation de crise fait courir d'importants dangers à des composantes essentielles pour la vie nationale Frier et J. Petit, op. cit.). Par exemple, l'existence de circonstances exceptionnelles a été reconnue lors des deux premières guerres mondiales ou en cas de grave catastrophe naturelle. Ainsi, cette théorie semble peu adaptée au cas d'un immeuble susceptible de s'effondrer, fut-il au bord d'une nationale très fréquentée. L'échelle est différente. Voir aussi CE septembre 1998, Mairesse, requête 162678 et CE septembre 2003, Houillères du bassin de Lorraine. Voir les arrêts cités dans I. [...]
[...] Petit, lorsqu'un immeuble menace ruine, le maire, au titre de la police générale, ne peut prendre que des mesures limitées pour écarter le danger, comme une obligation d'étaiement ou une interdiction d'accès. Toujours selon eux, la police spéciale des édifices menaçant ruine permet d'ordonner des mesures beaucoup plus attentatoires à la propriété, telle qu'obligation de réparation ou de démolition sous le contrôle étroit il est vrai, du juge administratif. Force est de constater que ces observations ne valent pas en l'espèce. [...]
[...] En effet, il existe deux fondements différents au pouvoir du maire de prendre des mesures de police pour contrer un danger causé par un édifice menaçant ruine dans sa commune. D'une part, il dispose d'un pouvoir de police spécial prévu par l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, selon lequel le maire prescrit la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices menaçant ruine dans les conditions prévues aux articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation. D'autre part, le maire dispose de pouvoir de police générale en vertu de l'article L. [...]
[...] Ainsi, le point d'équilibre a été déplacé dans le sens contraire du mouvement qui caractérise généralement le passage d'une police spéciale à une police générale. Ce renversement n'avait pas été envisagé par la doctrine, même en cas d'existence d'une situation justifiant une exception au principe d'exclusivité. Par exemple, lorsqu'ils observent l'existence en négatif de la jurisprudence de l'urgence évoquée ci-dessus, P-L Frier et J. Petit imaginent que lorsque l'urgence justifie l'intervention de la police générale dans le domaine de la police spéciale, on retrouve . ce caractère du minimum indispensable de l'ordre public général Frier et J. Petit, op. cit., 422). [...]
[...] En effet, si la procédure de l'arrêté de péril a en effet été simplifiée, le seul changement apporté à la procédure de l'arrêté de péril imminent est que l'expert n'est plus nominé par le juge d'instance, mais par le juge administratif statuant en référé. Il ne semble pas que cette unification jurisprudentielle résolve le problème de l'impossibilité d'une intervention en moins de 48 heures en cas de propriétaires récalcitrants. La solution retenue par l'arrêt Commune de Badinières, et les problèmes théoriques qu'elle pose demeureraient donc. C. Landais et F. Lenica, op. cit., considèrent que l'arrêt commenté s'appuie sur la théorie des circonstances exceptionnelles. [...]
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