La doctrine ainsi que la jurisprudence fiscale trouvent de nombreux intérêts à appliquer, aux sociétés, la théorie de l'apparence. A travers l'arrêt à commenter, en date du 5 juillet 2000, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation semble aller en ce sens en retenant l'activité effectivement effectuée par la société et non celle indiquée par les statuts (qui représentent l'acte constitutif rédigé par écrit posant les objectifs ainsi que les règles de fonctionnement de la société). L'enjeu de cet arrêt était de déterminer si une société civile ayant un objet effectif a priori commercial dispose ou non de la personnalité morale (soit la reconnaissance d'une organisation capable de dégager une volonté collective qui défend et représente les intérêts collectifs communs) permettant à la société d'agir en paiement des appels de fonds. En effet, de la reconnaissance de la personnalité morale découle la reconnaissance de la capacité juridique, qui correspond à l'aptitude à acquérir et exercer des droits seul, sans assistance ni représentation par un tiers, permettant entre autres à la société personne morale d'agir en justice.
Afin de déterminer si la SCI dispose de la capacité d'ester en justice, les juges du droit ont dû déterminer si les activités exercées -en principe civile- correspondaient à l'objet de la société. Ce dernier n'ayant pas de définition légale, il est considéré comme le genre d'activité que la société se propose d'exercer pour obtenir les bénéfices escomptés. L'un des problèmes rencontrés par les juges est que l'activité civile ne dispose pas, elle non plus, de définition légale. Il s'agit d'avantage d'une définition par exception. En effet, à l'exception des activités agricoles, les activités civiles ne sont pas déterminées par la loi. Ainsi, elles ne peuvent s'apprécier que par opposition aux activités commerciales (c'est à dire celles qui constituent une entremise dans la circulation des richesses avec une intention spéculative). Avec cette affaire, les juges du droit se sont trouvés face à de nombreux problèmes de qualification et d'interprétation qu'il conviendra, le plus clairement possible, de dégager.
En l'espèce la société civile immobilière (SCI) du Lac de Saint-Etienne Cantales a été constituée en 1975. Les statuts de cette société indiquaient qu'elle avait pour objet principal l'acquisition de parcelles de terrain en vue de la construction d'immeubles d'habitation et de leur division en lots séparés ou encore la réalisation d'un lotissement. Des appels de fonds ont été réalisés (c'est à dire l'exigence, à l'encontre des associés, d'un apport de fonds supplémentaires pour faire face au dépassement des investissements en capital). M.THIVET, associé aux droits duquel se trouvent les consorts THIVET, n'a pas effectué d'apport supplémentaire comme le préconisait les appels de fonds de la société civile immobilière. Cette dernière a alors assigné M. THIVET en paiement des appels de fonds. M. THIVET a invoqué l'irrecevabilité de cette demande aux motifs que la SCI ne disposait pas de la capacité à agir en justice.
Par un arrêt en date du 25 juin 1998, la Cour d'appel de Riom a donné raison à la SCI en ordonnant le paiement des appels de fonds. Pour ce faire, les juges du fond ont invoqué, malgré le fait que la société n'ait pas réalisé son objet social, la préservation de la personnalité morale de la SCI et donc sa capacité à agir en justice. Par un arrêt en date du 5 juillet 2000, les juges du droit ont dû déterminer dans quelle mesure une société civile immobilière, qui n'a pas réalisé son objet social, mais qui a réalisé des actes de nature commerciale conserve sa qualité de société civile et par là même sa personnalité morale lui permettant d'agir en justice.
[...] Or, cette activité est considérée comme un acte de commerce par nature selon l'article L.110-1 du Code de commerce. Ainsi, dans cette affaire, l'objet statutaire civil semblait s'opposer à l'objet effectif de nature commerciale. Dans son premier attendu, la Cour de cassation a rappelé qu'ont le caractère civil toutes les sociétés auxquelles la loi n'attribue pas un autre caractère à raison de leur forme, de leur nature ou de leur objet Ainsi, dans tous les cas où les activités effectivement exécutées répondent à un objet commercial (comme cela semble être le cas en l'espèce), la forme civile de la société ne pourra être retenue. [...]
[...] THIVET, en tant que personne physique. [...]
[...] Néanmoins, en vertu d'un principe unitaire de la personnalité morale, la capacité juridique ne sera pas non plus retenue pour l'organisation ayant effectué les activités a priori commerciales ( A Consécration d'un principe unitaire de la personnalité morale : la disparition de la personnalité morale civile n'entraînant pas la naissance d'une autre personnalité morale La distinction, relevée précédemment, entre la forme statutaire civile et l'objet effectif d'apparence commercial de la société n'est pas sans intérêt. Il semblerait que, de cette contradiction, découle la dégénérescence de la SCI elle-même et la perte de la personnalité morale de la société civile. Ainsi, de la réponse donnée par les juges (sur la coïncidence ou non entre la forme de la société et son objet effectif) découle le maintien de la personnalité morale et donc la qualité à agir de la société en paiement des appels de fonds. Tout l'enjeu de l'arrêt se situe ici. [...]
[...] Ce défaut de motivation de la Cour d'appel de Riom n'a pas mis les juges du droit en mesure d'exercer leur contrôle. Il est important de rappeler que l'enjeu du débat portait sur la qualité de la société à agir en paiement des appels de fonds à l'égard des associés. La Cour de cassation n'a pas donné de réponse précise à cette question. Néanmoins, cet arrêt a posé le problème épineux que présente la contradiction entre la forme civile d'une société et son objet effectif (qui semble être commercial). [...]
[...] Un arrêt rendu par la Cour d'appel de Rouen, en date du 22 novembre 1995, indique que l'exercice d'une activité commerciale par une société civile entraîne, pour cette activité, l'apparition d'une société commerciale créée de fait Cette décision laisse entendre que la requalification soit la conséquence automatique de l'exercice d'une activité commerciale par une société en principe civile. Cette dégénérescence n'est pas sans conséquence juridique et fiscale. En effet, la société créée de fait ne dispose pas des avantages reconnus aux commerçants. [...]
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