La distinction entre le bien fondé et la recevabilité d'une action est posée par le Nouveau Code de Procédure Civile et unanimement admise par la doctrine, toutefois, il arrive que cette distinction ne soit pas toujours très bien comprise par les juges du fond, qui ont certaines difficultés à en faire une totale application, ainsi que le démontre l'arrêt rendu par la Troisième Chambre Civile le 27 janvier 1999.
Un bail a été conclu entre la Société Financière de constructions et de locations (SOFILOC) et le groupement d'intérêt économique Atlantide (le GIE) le 1er octobre 1986, concernant la location d'un immeuble à usage de bureau. Le bail a pris effet le 1er janvier 1987 pour une durée de 12 ans. Le contrat de bail prévoit une possibilité de résiliation unilatérale pour le preneur à la fin de chaque période triennale. L'immeuble est vendu en avril 1990 à la société Gardénia.
Il est mis fin au bail du GIE à compter du 30 juin 1992. Le GIE conclut alors un nouveau bail pour le même immeuble avec la société Gardénia, bail qui prend effet le 1er juillet 1992.
Le GIE engage une action en nullité du contrat de bail contre la SOFILOC. La Cour d'Appel de Grenoble, dans un arrêt du 3 mars 1997 déclare cette action en justice irrecevable au motif que la SOFILOC, défendeur à l'action, n'était plus propriétaire de l'immeuble loué au jour où l'action a été intentée. Le GIE forme un pourvoi contre cet arrêt et conteste l'irrecevabilité de l'action intentée par lui.
La recevabilité d'une action peut-elle être appréciée en s'appuyant sur des éléments concernant le fond du droit ?
Par l'arrêt rendu le 27 janvier 1999, la Cour de Cassation casse l'arrêt de la Cour d'Appel de Grenoble en estimant que les juges du fond n'avaient pas à procéder à un examen au fond pour déclarer l'action irrecevable, cet examen au fond constituant une condition au succès de l'action du demandeur et non une condition de recevabilité.
La Cour de Cassation rappelle par cet arrêt la distinction entre la recevabilité et le bien fondé d'une action (I) mais, elle ne fait pas disparaître pour autant les liens étroits pouvant exister entre ces notions (II).
[...] Nous pouvons peut-être tenter d'expliquer le choix de ce fondement juridique par le fait que la cour d'appel, en retenant que la société défenderesse n'était plus propriétaire de l'immeuble loué, avait jugé de l'intérêt ou de la qualité du défendeur à l'action et non de l'intérêt du demandeur, ainsi que l'impose l'article 31 du Nouveau Code de Procédure Civile. La solution rendue ici par la Cour de Cassation est donc un rappel de droit fait aux juges du fond. Toutefois, la nécessité de devoir procéder à un tel rappel prouve bien que la distinction n'est pas parfaitement claire et n'est pas en toute circonstance applicable strictement. [...]
[...] La recevabilité ne doit être en principe appréciée par le juge qu'en se fondant sur des éléments de forme : le juge doit notamment vérifier l'intérêt à agir du demandeur, mais aussi par exemple sa capacité ou le respect du délai pour agir, En l'espèce, la cour d'appel, pour retenir que le demandeur était irrecevable à l'action , se fonde sur le fait que la société défenderesse n'était plus propriétaire de l'immeuble loué au demandeur au moment ou l'action a été engagée. Cet élément n'est manifestement pas un élément de forme mais un élément de fait, ce que relève la Cour de Cassation en notant que l'existence du droit invoqué est une condition de succès de l'action. [...]
[...] Pourtant, c'est sur l'article 31 que la Cour de Cassation se fonde pour rendre sa décision. A titre de comparaison, la Cour de Cassation a rendu une décision de solution équivalente dans un arrêt du 11 juillet 2000 en retenant que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action mais cet arrêt visait l'article 30 du Nouveau Code de Procédure Civile qui donne une définition précise de l'action. On peut donc s'interroger sur les motivations du choix opéré par la Cour de Cassation dans l'arrêt du 27 janvier 1999 lorsqu'elle prend le parti de fonder sa décision sur l'article 31 du Nouveau Code de Procédure Civile. [...]
[...] Les textes consacrent donc la distinction entre le droit formel (ce qui est procédural) et le droit substantiel (le droit subjectif déduit en justice). C'est en raison de la reconnaissance de cette distinction que l'instance se déroule en deux phases et que l'on considère que chacune de ces phases est autonome. La preuve de cette autonomie se retrouve par exemple dans la possibilité d'exercer une action sans droits ou a contrario dans l'existence de droits sans actions (c'est notamment le cas en matière d'obligations naturelles) La distinction entre les notions d'action et de droit conduit donc à admettre une distinction entre la recevabilité et le bien fondé d'une action. [...]
[...] Le GIE forme un pourvoi contre cet arrêt et conteste l'irrecevabilité de l'action intentée par lui. La recevabilité d'une action peut-elle être appréciée en s'appuyant sur des éléments concernant le fond du droit ? Par l'arrêt rendu le 27 janvier 1999, la Cour de Cassation casse l'arrêt de la Cour d'Appel de Grenoble en estimant que les juges du fond n'avaient pas à procéder à un examen au fond pour déclarer l'action irrecevable, cet examen au fond constituant une condition au succès de l'action du demandeur et non une condition de recevabilité. [...]
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