En parcourant les pages jaunies d'une vieille édition du Précis de Louis Rolland, l'on pouvait lire l'assertion suivante : « la police a pour objet d'assurer le bon ordre, c'est-à-dire la tranquillité publique, la sécurité publique, la salubrité publique. Assurer l'ordre public, c'est, en somme, assurer ces trois choses. L'ordre public, c'est tout cela, ce n'est rien que cela ». Mais voici que quelques décennies plus tard, les grandes figures de la doctrine admettaient une moralité en tant que quatrième composante , et la jurisprudence ? tant administrative que civile ? en découvrait de nouvelles, telles que la dignité de la personne humaine ou l'indisponibilité du corps humain.
Quant au droit administratif, le juge appliquait consciencieusement la règle aux affaires qui se présentaient à lui, en admettant certes dans certaines espèces des mesures de police touchant à la moralité publique, mais uniquement quand des textes prévoyaient des pouvoirs de polices spéciaux pour ce faire , et quand des circonstances locales le justifiaient.
[...] 1. L'hypothèse d'une justification casuelle par l'invocation de principes fondamentaux.
Dotés d'une valeur suprême, ces principes consacrés ou non par la loi seraient des règles au-dessus du droit et de la morale, inhérents à l'organisation harmonieuse de la société.
Du fait de l'invocation occasionnelle par les textes ou par les espèces de cette notion, il était concevable que le juge englobât les principes de dignité et d'indisponibilité de la personne humaine dans la « moralité publique ». Mais tel n'a pas été le cas, et ce probablement pour marquer la supériorité ? si ce n'est la suprématie ? de ces principes. Car, dans une certaine optique, le droit n'a que faire de la morale ; tout au plus s'efforcera-t-il de ne pas la choquer (...)
[...] Comme cela apparaît clairement dans les conclusions à la décision Commune de Morsang-sur-Orge, l'interdiction du spectacle de lancer de nains (et ce raisonnement s'étend aussi à l'interdiction des conventions de mère porteuse) est avant tout justifiée par le souci d'éviter la société d'accepter et de s'habituer à des manifestations ‘‘humanoclastes''. En d'autres termes, le juge refuse que le public accepte et se divertisse d'un spectacle indigne et malsain ou qu'il soit voisin de personnes louant leur corps comme s'ils étaient des choses du commerce ; somme toute il est absolument nécessaire de ne pas habituer l'œil du prochain toute forme de relégation de l'homme au simple état d'objet, ce qui consciemment ou non mènerait à une considération déshumanisante de l'autre la vision d'autrui comme un être humain de second rang Il s'agit bien ici d'une préoccupation d'ordre public. [...]
[...] L'hypothèse d'une justification générale par la moralité publique. Une majorité d'auteurs non moins humanistes (mais peut-être moins jusnaturalistes) ont préféré rattacher les principes proclamés dans les deux espèces dans une moralité publique qui serait composante de l'ordre public. Les administrativistes ont pu longuement disserter sur les attributions de la police générale quant à savoir si l'ordre public qu'elle était censée assurer comportait ou non une telle moralité. Toujours est-il que jusqu'au présent arrêt du Conseil d'Etat, l'on s'accordait pour dire que, outre des pouvoirs de police spécialement prévus, l'ordre public n'englobait pas la moralité, mais condamnait une activité immorale si elle portait atteinte à une de ses composantes et ce uniquement en présence de circonstances locales le justifiant[8]. [...]
[...] Une atteinte au principe de la libre-disposition de son corps. Incontestablement, le principe d'indisponibilité du corps humain (et de l'état des personnes) consacré par l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation vient se heurter à la libre-disposition de soi. Pour dire vrai, c'est une nouvelle exception qui s'ajoute à une liste déjà conséquente. Le législateur, comme le juge dans les deux arrêts présents, est venu poser un grand nombre d'interdictions, à tel point que s'est opéré dans la pratique l'un de ces retournements de situation bien connus des juristes, en ce que c'est le principe qui est devenu exception. [...]
[...] : ce document est conçu pour être un auxiliaire à la compréhension de la problématique générale ; il serait dommage et surtout risqué de le copier-coller pour le rendre. La recherche sur internet d'une phrase de ce texte conduira instantanément à sa source, et conduira l'auteur à des risques de sanctions pour plagiat. R. Chapus, Droit Administratif, Tome 1. Ainsi le contrôle des films cinématographiques organisé par un décret du 18 février 1928. Nombreux sont ceux qui se sont étonnés de ces arrêts, du Club indépendant sportif châlonnais (CE 1924) au fameux Société des Films Lutétia (CE 1959). [...]
[...] On voit donc qu'en dépit de l'apparence liberticide de l'extension de l'ordre public proférée par l'arrêt Commune de Morsang-sur-Orge et celui rendu par l'Assemblée Plénière au 31 mai 1991, il s'agissait plutôt de concilier cet ordre public avec les libertés fondamentales. Le débat mène alors naturellement sur le rôle du juge dans cette conciliation, et la place de la morale pour permettre la réalisation de cet objectif. Dans un article resté une référence, Philippe Jestaz avait proposé l'idée que droit et morale, tout en étant séparés, n'étaient en contact que par quelques interférences, soutenant que le droit n'a rien à faire des consciences que de ne pas les choquer. [...]
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