Commentaire d'arrêts comparés, Cour de cassation chambre commerciale 6 mars 2007, Cour de cassation 3e chambre civile 19 décembre 2001, délai de la condition suspensive, litige, servitude, défaillance des conditions, article 1175 du Code civil
Les arrêts rendus récemment par la Cour de cassation en sa 3e chambre civile ainsi qu'en sa chambre commerciale traitent du délai relatif à la condition suspensive. En effet, la Cour de cassation a été amenée, à plusieurs reprises, à répondre à la question suivante : dans quelle mesure est-il possible de considérer que la condition suspensive a défailli, alors même que les parties n'avaient pas prévu expressément au contrat de terme à cette dernière ?
Ainsi, en l'espèce, les parties avaient conclu des contrats comportant chacun des obligations soumises à la réalisation de conditions suspensives. Or, aucun délai n'avait été prévu afin d'encadrer dans un délai ces conditions. La Cour de cassation a alors été saisie de plusieurs litiges, au terme desquels les cours d'appel avaient dû déterminer si les conditions suspensives avaient ou non défailli, et ainsi si les contrats étaient devenus caducs. Pour chacun de ces litiges se sont pourvus en cassation devant la chambre civile les propriétaires, ayant soit conclu une promesse de vente, soit prévu l'octroi d'une servitude soumise à condition, pour contester ou affirmer la défaillance des conditions.
[...] Ainsi, dans son arrêt rendu le 20 mai 2015, la troisième chambre civile de la Cour de cassation énonce que « en l'absence d'indexation du prix et de coefficient de revalorisation, les parties avaient eu la commune intention de fixer un délai raisonnable pour la réalisation de la condition suspensive ». Dès lors, la Cour semble consacrer la possibilité pour les juges du fond, lorsque les faits le permettent, d'établir un délai raisonnable pouvant encadrer la condition suspensive, et ainsi la faire défaillir. Cet arrêt a été publié au bulletin, afin d'être porté rapidement à la connaissance des professionnels du droit. Cette publication dénote donc l'importance de cette décision, et la consécration jurisprudentielle de la possible reconnaissance d'un délai raisonnable encadrant la condition suspensive par les juges. [...]
[...] Dès lors, seule la détermination par les juges du fond d'un délai raisonnable permettrait aux parties de se dégager d'engagements perpétuels. En ce sens, la Cour de cassation donne la possibilité, selon les faits, aux juges du fond de déduire souverainement de « la commune intention » des parties la volonté « de fixer un délai raisonnable pour la réalisation de la condition suspensive ». Si la Cour de cassation a consacré la possibilité pour les juges du fond de reconnaître un délai raisonnable encadrant la condition suspensive afin de contrer les engagements perpétuels, cette jurisprudence a tout de même suscité certaines critiques. [...]
[...] En outre, ils permettent également de s'interroger quant à l'utilité d'un tel délai à l'encontre des engagements perpétuels. Ainsi de quelle manière la Cour de cassation protège-t-elle l'exercice des conditions suspensives, tout en prohibant les engagements perpétuels ? Dans un premier temps, la Cour de cassation refuse la présomption par les juges du fond de la défaillance de la condition, sans pour autant autoriser les engagements perpétuels Dans un second temps, la Cour de cassation accepte la déduction par les juges du fond d'un délai raisonnable, afin de prohiber les engagements perpétuels (II). [...]
[...] La décision de la Cour de cassation dans l'arrêt du 20 mai 2015 peut cependant se justifier de par l'étendue des obligations soumises à la condition suspensive. En effet, les parties n'ayant pas prévu de clause d'indexation de prix au contrat semblaient avoir entendu encadrer les conditions dans un délai raisonnable, dès lors qu'une augmentation ou diminution des prix sur le long terme pourrait affecter une partie. Ainsi, selon Hugo Barbier dans son article « Le terme implicite au secours d'obligations encourant la perpétuité » publié au sein de la revue trimestrielle du droit civil de 2015, la reconnaissance d'un délai raisonnable ne tend pas tellement à respecter l'intention commune des parties sinon à éteindre des « contrats de vente immobilière au prix désormais lésionnaire ou excessif, complètement déconnecté du marché en raison de l'évolution parfois forte de celui-ci au fil des ans. ». [...]
[...] En revanche, s'est pourvue en cassation devant la chambre commerciale la société contestant la défaillance des conditions suspensives dans le cadre d'un contrat de financement de crédit-bail. En ce sens, dans ses arrêts rendus les 19 décembre 2001 et 6 mars 2007, la Cour de cassation a cassé et annulé les jugements des cours d'appel d'Aix-en-Provence et de Limoges. En effet, la Cour a considéré que la servitude de passage d'un propriétaire, conditionnée à la défaillance de la condition suspensive, ainsi que le financement de crédit-bail à une société, conditionné à la réalisation de diverses conditions suspensives, n'étaient pas caducs dès lors que les conditions n'avaient pas défailli et qu'il n'était pas certain qu'elles ne soient pas réalisables. [...]
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