Commentaire d'arrêt, Troisième Chambre civile, Cour de cassation, 7 novembre 1990, cas d'empiètement
Le droit de propriété « rend le propriétaire maître et seigneur de sa chose, et lui donne sur elle une omnipotence absolue, un despotisme entier » (Marcadé, Explication théorique et pratique du code Napoléon). L'exercice même du droit de propriété fait naître d'importants contentieux au regard des difficultés de délimitation que soulève la concentration urbaine. L'arrêt rendu par la Troisième Chambre civile du 7 novembre 1990 n'est qu'une des nombreuses illustrations d'un cas d'empiètement.
Les propriétaires d'un terrain ont vu leur propriété empiétée par des constructions édifiées par leur voisin. Dès lors, sur le seul fondement du respect de leur droit de propriété, ils réclament la démolition de ces constructions.
[...] La Cour de cassation a déjà eu l'occasion de se pencher sur de tels motifs. En effet, un empiètement de cinquante millimètres (3e civ mars 2002) ne saurait se voir réserver un sort plus favorable que celui d'un autre ordre de grandeur. De plus, la Cour de cassation énonce sans équivoque que la défense du droit de propriété contre un empiètement ne saurait dégénérer en abus Elle fait ici appel à la théorie de l'abus de droit pour la rejeter aussitôt. [...]
[...] En effet, le propriétaire dans ce type de cas est demeuré passif, il subit une agression de la part d'un tiers qui porte atteinte à son droit de propriété. Et considérer qu'il pourrait y avoir abus de droit en réclamant la fin de cet empiètement conduirait à signifier que le propriétaire qui réclame simplement le respect de son droit commettrait une faute en exigeant qu'il soit mis fin au trouble dont il est victime. Ce serait oublier qu'il est la victime première et que c'est le fait du voisin qui est à l'origine de son propre dommage. [...]
[...] La réaffirmation du caractère absolu de la propriété En réfutant la possibilité d'un abus dans la défense du droit de propriété la Cour de cassation s'oppose à toute atteinte du caractère absolu du droit de propriété tel que proclamé par le Code civil et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. A. Un droit de propriété absolu Le droit de propriété est traditionnellement considéré comme le droit individuel par excellence. Comme l'énonçait Josserand dans son ouvrage, De l'esprit des droits et de leur relativité, théorie dite de l'abus des droits, le droit de propriété est le prototype de la prérogative absolue ( ) conférant à celui qui en est investi les pleins pouvoirs, plena in re potestas Par ces pleins pouvoirs, il faut entendre ici les trois caractères conférés au droit de propriété. [...]
[...] Cette position trop rigide de la Cour de cassation ne permet pas de s'adapter aux faits d'espèces. Ce que pourtant les juridictions du fonds ont en vain tenté de faire depuis longtemps. Cependant, depuis si la solution retenue par l'arrêt du 7 novembre 1990 semble perdurer, puisque la 3e chambre civile énonce à nouveau dans un arrêt du 15 juin 2011 que la défense du droit de propriété contre un empiètement ne saurait dégénérer en abus une autre solution plus récente marque un infléchissement de la position si inflexible de la Cour de cassation. [...]
[...] Or, comme l'énonce la Cour de cassation, en référence au visa de l'article 545 du Code civil selon lequel nul ne peut être contraint de céder a propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité Ainsi, celui qui se rend responsable d'un empiètement, c'est à dire qui édifie un immeuble en partie sur un fonds voisin, porte atteinte au caractère exclusif du droit de propriété. C'est donc sur ce fondement que s'appuient les demandeurs et que la Cour de cassation les rejoint. Et, pour soutenir cet argumentaire, elle rejette en bloc, toute possibilité de pouvoir porter atteinte au caractère exclusif de la propriété par un empiètement, par les moyens que soulevaient la Cour d'appel dans son arrêt. B. [...]
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