Le problème de l'acquisition de la propriété d'un bien, alors que l'auteur n'en était pas le véritable propriétaire, a été longuement étudié, tant par les droits antérieurs que par les droits étrangers, chaque système juridique apportant sa propre réponse.
L'arrêt de Cassation de la troisième chambre civile de la Cour de Cassation du 7 avril 1994 aborde cette question, et en particulier celle de la prescription acquisitive abrégée de biens immeubles en cas d'acquisition a non domino. Le Code Civil pose les principes de l'usucapion abrégée dans l'article 2265, lui même inclus dans un chapitre intitulé « de la possession ».
En l'espèce, les époux Menut ont assigné M. Roche en suppression d'un mur édifié par ce dernier, qui, selon eux, empiétait sur leur propriété. L'arrêt de la Cour d'Appel de Riom, rendu le 26 octobre 1989, les déboute de cette demande, au motif que M. Roche en était devenu le propriétaire, après avoir acquis un juste titre le 23 juillet 1968. Il pouvait ainsi se prévaloir de l'article 2265, qui affirme que « Celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans, si le véritable propriétaire habite le ressort de la Cour d'Appel dans l'étendue de laquelle l'immeuble est situé, et par vingt ans, s'il est domicilié hors dudit ressort ».
La Cour de Cassation casse cet arrêt, au motif que la Cour d'Appel n'a pas précisé si « l'auteur de M. Roche n'était pas le véritable propriétaire » et n'a pas relevé « la bonne foi de M. Roche au moment de son acquisition ». Elle a ainsi violé le texte 2265 visé.
La Cour de Cassation doit donc résoudre le problème de droit suivant : Quelles sont les conditions d'application de l'article 2265, relatif à l'usucapion abrégée ?
La Cour suprême, dans cet arrêt sévère, les rappelle : une acquisition a non domino, un juste titre, et la bonne foi de l'acquisiteur.
Les conditions de l'acquisition d'un bien immeuble par usucapion abrégée sont précises, mais la Cour d'Appel ne les vérifie pas toujours toutes (I). La cassation de cet arrêt permet à la Cour de rappeler la nécessaire vérification de toutes les exigences pour pouvoir se prévaloir de la prescription abrégée (II)
[...] Le rappel de l'existence de la bonne foi permet ainsi une certaine protection de celui qui allègue la mauvaise foi de l'acquéreur, c'est-à-dire souvent le véritable propriétaire. Mais elle permet de la même manière de rappeler les conditions nécessaires à l'usucapion abrégée. En cas de manque d'une de ces conditions, elle ne peut s'appliquer, et le litige n'a pas lieu d'être. Il faut toutefois remarquer que la Cour de Cassation relève que la bonne foi ne doit être appréciée qu'au moment de l'acquisition Qu'en statuant ainsi ( ) sans relever la bonne foi se M. [...]
[...] Il faut ensuite que le titre soit apparemment valable, comme le précise l'article 2267 du Code : le titre nul par défaut de forme, ne peut servir de base à la prescription de dix ou vingt ans Cependant, la jurisprudence a admis que dès lors que la nullité des transferts de propriété est relative et non absolue, les actes constituent un juste titre (Civ. 3e nov bull. civ. III, n°366). En deuxième lieu, il est nécessaire que l'acquéreur soit de bonne foi. Il doit croire que l'auteur du titre est réellement le propriétaire du bien. [...]
[...] Roche au moment de son acquisition la Cour d'Appel a violé l'article 2265 La Cour de Cassation se place ainsi donc dans la conformité des textes, et dans la conformité de sa jurisprudence. Elle a ainsi affirmé en 1978 que la bonne foi ( ) n'est requise qu'au moment de l'acquisition (Civ.3e mars 1978, Bull civ. III, n°123). La Cour de Cassation, sur ce point, se montre plutôt sévère, du fait même de l'existence de textes qui n'obligeaient pas la Cour d'Appel à relever la bonne foi de l'acquéreur. [...]
[...] L'argumentation de la Cour de Cassation est donc à cet égard critiquable, puisqu'elle casse l'arrêt de la Cour d'Appel qui se situe dans la lignée des textes. Cependant, il est très difficile de pouvoir prouver la mauvaise foi de l'acquéreur. La charge de la preuve est telle, qu'elle est plutôt bénéfique pour l'acquéreur de mauvaise foi, que pour celui qui l'allègue. La jurisprudence a donc admis que l'appréciation de la bonne ou de la mauvaise foi devait se faire souverainement par les juges du fond : dans plusieurs arrêts notables, la Cour suprême évoque ce principe. [...]
[...] De la même manière, la Cour par cet arrêt de Cassation tend à obliger les Cours d'Appel à réaffirmer toutes les conditions pour l'usucapion abrégée, à savoir l'acquisition a non domino, l'existence d'un juste titre, et la bonne foi de l'acquéreur. Mais cet arrêt est aussi très sévère, dans le sens où le fait de relever que l'acquisition a un lieu a non domino est presque toujours implicite, tellement elle semble évidente dans ce type de litige. Le renvoi vers une autre Cour d'Appel a de grandes chances d'être tranchée dans le même sens (bien évidemment, si la preuve est faite que l'acquisition a eu lieu a non domino et de bonne foi). [...]
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