Commentaire d'arrêt - Civ. 3ème, 29 mars 2006
L'arrêt de rejet de la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation, en date du 29 mars 2006, met en exergue la nullité relative pour défaut de cause et le point de départ de la prescription quinquennale.
En l'espèce, par actes des 15 septembre et 5 novembre 1987, deux époux ont acquis chacun d'une société une « chambre hôtelière » et ont adhéré à une société en participation ayant pour objet de partager les produits et les charges du fonds de commerce d'hôtel-restaurant géré par une autre société. Les statuts de la société en participation prévoyaient l'engagement de ses membres aux bénéfices et pertes. Huit ans plus tard, les époux doivent s'acquitter de leur première participation aux dettes fixées par l'assemblée générale du 25 avril 1995, mais refusent et demandent la nullité des actes de vente, le paiement de dommages-intérêts et la résolution des contrats.
[...] Dans cet arrêt, selon la Cour de cassation, la cour d'appel a déduit qu'il s'agissait d'une nullité relative et que la prescription était acquise Les demandeurs se pourvoient donc en cassation. Dans un premier moyen, le demandeur invoque le dol comme fondement de nullité de l'acte de vente. Dans un deuxième moyen, les demandeurs soutiennent tout d'abord que si un contrat est nul pour absence de cause, il ne peut produire aucun effet et l'action en nullité d'un tel contrat est soumise à la prescription trentenaire Ainsi, le fait que seule la partie dont la loi tendrait à assurer la protection puisse invoquer cette nullité ne peut, pour autant, soumettre l'action en nullité à une prescription quinquennale Par suite, l'action en nullité pour absence de cause, que celle-ci ait existé ab initio ou qu'elle résulte de la disparition de la cause au cours de l'exécution du contrat, peut être engagée pendant trente ans Ainsi, en déclarant l'action des [demandeurs] pour absence de cause prescrite, la cour d'appel a ( ) violé les articles 1131 et 2272 du Code civil par refus d'application et 1304 par fausse application Enfin, les demandeurs soutiennent également qu'à supposer que l'action en nullité pour absence de cause puisse être soumise à la prescription quinquennale, cette prescription ne peut avoir pour point de départ que la date de la disparition de la cause en cours de contrat et donc que le point de départ de la prescription quinquennale pour absence de cause se situe au jour où il leur a été notifié que les pertes d'exploitation de l'hôtel étaient mises à leur charge, soit au plus tôt lors de l'assemblée générale du 25 avril 2005. [...]
[...] Selon lui, l'ordre public de direction envisage toutes les dispositions prises pour assurer les grands équilibres économiques alors que l'ordre public de protection envisage toutes les mesures prises en faveur de telle ou telle catégorie sociale Or, on peut considérer que l'équilibre du contrat et sa protection judiciaire font partie de l'ordre public de protection dont la violation justifie une nullité relative[3]. Cette idée est confirmée par le professeur Jacques Ghestin qui estime que l'annulation des contrats dont la contrepartie convenue est illusoire ou dérisoire concerne certainement l'intérêt général Cette exigence relève cependant de l'ordre public de protection qui est soumis au régime de la nullité relative. [...]
[...] il serait logique de situer le point de départ du délai au jour où le contractant concerné a eu conscience de s'être engagé sans contrepartie Ainsi, dans cette hypothèse, l'action en nullité pour absence de cause ne serait pas prescrite puisque la date applicable serait le 25 avril 1995 et que l'action en nullité a été engagée dès le 26 juin 1996. Cette solution avait été appliquée dans un arrêt du 31 mai 1972 où la Cour de cassation admet que le point de départ de la prescription de l'action en nullité est situé au moment ou l'erreur a été découverte. La solution est identique pour le dol et il en va de même pour la violence ou on admet comme point de départ le jour ou le vice a cessé. [...]
[...] Cependant, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a retenu que le défaut de cause existait dès les ventes sans garanties et donc que le point de départ de la prescription quinquennale se situe au moment de la conclusion de l'acte. Ainsi, la Cour de cassation juge, pour l'application de la prescription quinquennale propre aux nullités relatives, que le point du départ du délai est la conclusion du contrat et non la découverte de l'absence de cause, solution qui se différencie de celle retenue à propos de la nullité pour erreur[6]. [...]
[...] ] que la prescription était acquise Ainsi, c'est donc au moment de la conclusion du contrat que la Cour de cassation situe le délai de prescription quinquennale pour les ventes sans garantie. En qualifiant le contrat comme une vente sans garantie, elle fixe ce délai de prescription. Dès lors, puisqu'entre 1987 et 1996 il s'est écoulé environ neuf ans et donc plus de cinq ans, l'action en nullité relative est éteinte. Ainsi, puisque l'action en nullité pour absence de cause est relative, le délai de prescription est quinquennal, et puisque le point de départ du délai de prescription de cette action est la conclusion de l'acte, dès lors la prescription est acquise Cependant, il convient de noter que cet arrêt date du 29 mars 2006 et que depuis la loi du 17 juin 2008 qui réforme la prescription en matière civile, la durée de la prescription est devenue la même pour les deux nullités[7], relative ou absolue. [...]
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