Commentaire d'arrêt, Troisième Chambre civile, Cour de cassation, 26 juin 1973, requalification des contrats par le juge, détermination du régime juridique applicable, lutte contre la fraude
En l'espèce, un contrat dénommé « convention d'échange » fut conclu entre deux individus les 24 et 28 octobre 1967. Les biens échangés par cette convention, dont des parcelles de terre, étaient de valeur particulièrement inégales. C'est pourquoi cette convention prévoyait une soulte très importante. Or le montant de cette dernière excédait de loin la valeur des parcelles reçues en échange par l'un des cocontractants. Il est nécessaire de préciser que certaines parcelles de terre échangées faisaient l'objet d'un droit de préemption dont bénéficiait un tiers au contrat. La « convention d'échange » interdisait donc au tiers de bénéficier de son droit de préemption.
[...] Ce principe d'indépendance du juge vis-à-vis de la qualification du contrat par les parties sera ensuite confirmé tout au long d'une jurisprudence constante. Par exemple, un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de Cassation le 17 février 1981 rappelle que le juge du fond n'est pas lié par la qualification inexacte donnée par les parties à leur convention Après avoir établi son indépendance vis-à-vis de la qualification du contrat par les parties, le juge motive cette dernière par l'importance exagérée de la soulte. [...]
[...] Un arrêt rendu le 21 décembre 2007 par la Chambre mixte de la Cour de cassation illustre cette préoccupation jurisprudentielle : en l'espèce un contrat d'assurance-vie fut requalifié en donation. Le juge constatait que la volonté du souscripteur de se dépouiller était révélée par les circonstances de fait. Dans le cas du présent arrêt de 1973, c'est la volonté de frauder qui fut décelée par le juge. Il est animé d'une volonté de lutte contre la fraude et l'adage latin Fraus omnia corrumpit le soutient. [...]
[...] ) doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. On constate une similitude avec la formulation des motifs de l'arrêt de 1973. En outre, cette formulation décrit précisément la démarche adoptée par le juge civil. En effet, en requalifiant le contrat en contrat de vente, le juge ne s'arrête pas à la dénomination des parties du contrat en contrat d'échange. Il donne donc à l'acte litigieux son exacte qualification. [...]
[...] En l'occurrence, la Cour de cassation considère que l'obligation principale de l'une des parties réside dans le paiement de la soulte. En effet, cette dernière est d'une valeur très importante et dépasse largement celle du bien qui l'accompagne. C'est pourquoi le contrat est analysé comme une vente et non comme un échange. Si le juge judiciaire se permet de requalifier le contrat qui lui est soumis, c'est car sa démarche est soutenue par des fondements juridiques solides. II- Les fondements de la requalification par le juge judiciaire Sur quels fondements le juge peut-il justifier la requalification d'un contrat, action qui semble s'opposer au principe de la liberté contractuelle prévue à l'article 6 du Code civil ? [...]
[...] Les juges de la Cour d'appel d'Amiens requalifièrent la convention d'échange en un contrat de vente. Ce qui permet donc au tiers concerné d'exercer son droit de préemption. Suite à un pourvoi en cassation initié par les parties à ce contrat, la Haute juridiction civile rendit un arrêt de rejet. En effet, la Cour de cassation estime que la soulte est si importante que celle-ci devient l'objet principal de l'obligation de l'une des parties, ce qui conduit à requalifier la convention en contrat de vente. [...]
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