Les professeurs Maularie, Aynès et Gautier, ont eu l'occasion d'écrire dans leurs Contrats Spéciaux, que « lorsqu'une vente est conclue sans que le prix ait été réel ou sérieux, la jurisprudence décide qu'il n'existe pas de contrat, parce qu'il n'y a pas de prix. Elle frappe la vente de nullité absolue». Cette considération, jadis pertinente, est remise en cause aujourd'hui. En effet, par cet arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 21 septembre 2011, celle-ci rattache le prix dérisoire non pas à l'inexistence du contrat mais à un défaut de cause, le contrat est frappé alors de nullité relative. Il s'agissait d'une affaire où la commune de Cannes avait consenti à la société Noga Hotel Cannes un bail à construction sur un terrain situé sur la Croisette, laquelle s'était engagée à y construire un complexe hôtelier, moyennant un loyer annuel de 762,25 euros. Après adjudication de ce bail à la société Jesta Fontainebleau, la commune de Cannes a assigné cette dernière aux fins de voir constater à titre principal l'inexistence du contrat de bail à construction et, à titre subsidiaire, prononcer sa nullité, au motif que le prix était dérisoire.
[...] La partie demanderesse fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu que le prix dérisoire affectant la convention était sanctionné par l'absence de cause, et non par l'inexistence du bail, alors que l'existence d'un bail implique la fixation d'un loyer sérieux, entraînant par cette conclusion une nullité relative. La commune de Cannes soulève également qu'en estimant que l'action de la commune de Cannes était soumise à la prescription de cinq ans alors que la nullité du contrat conclu pour un prix vil est une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire, la cour d'appel aurait ainsi violé les articles 1126 et 2262 du Code civil. Il s'agissait ainsi de savoir si le prix dérisoire, entrainait l'inexistence du bail, sa nullité relative ou sa nullité absolue. [...]
[...] En espérant remédier contre cette prescription quinquennale, le pourvoi formulait deux moyens, invoquant d'autres sanctions des vices de formation du contrat, afin de bénéficier de plus grandes possibilités d'action. Moyens qui seront réfutés par la Cour de cassation. En effet, le pourvoi souhaitait voir prononcée l'inexistence du contrat, en invoquant que la cour d'appel avait retenu que le prix dérisoire affectant la convention était sanctionné par l'absence de cause, et non par l'inexistence du bail, alors que l'existence d'un bail implique la fixation d'un loyer sérieux. [...]
[...] Elle fait de la prescription quinquennale le nouveau délai de droit commun. Ainsi, les actions en nullité relative ou absolue se prescrivent toutes les deux en cinq ans. Il reste cependant une différence entre nullité absolue et relative sur le point de départ de la prescription. Pour la nullité relative, le point de départ est le jour de la découverte du vice. En ce qui concerne la nullité absolue, le délai de 5 ans est à partir du jour où on a eu ou aurait dû avoir connaissance du vice. [...]
[...] En retenant le raisonnement des juges du fond, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en rattachant la sanction du prix dérisoire non pas à l'inexistence du contrat qu'il affecte mais à la nullité relative pour défaut de cause, alors soumise à la prescription quinquennale. On entend par nullité, la sanction prononcée judiciairement consistant dans la disparition rétroactive de l'acte juridique qui ne remplit pas les conditions requises pour sa formation. Si le Code civil évoque deux sortes de nullités : la nullité relative et la nullité absolue, il s'abstient d'expliquer quel type de vice entraine quelle type de nullité. [...]
[...] Ceci illustre la divergence de la jurisprudence de la Cour de cassation, impliquant une appréhension incertaine de la notion. En effet, la première chambre civile de la Cour de cassation a retenu le critère moderne le 20 février 2001, arrêt dans lequel elle a estimé que la nullité d'un contrat nul pour défaut de cause était une nullité relative, puisqu'elle ne visait que la protection de l'intérêt particulier de la partie demanderesse. La troisième chambre civile adopte la même position que les première et deuxième chambres civiles, le 29 mars 2006, où elle fait elle aussi application du critère moderne en retenant la nullité relative pour absence de cause. [...]
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