Commentaire d'arrêt, Troisième Chambre civile, Cour de cassation, 28 janvier 2015, droit réel de jouissance spéciale
Consacrée au moment de la Révolution au sein de la DDHC, la propriété figure parmi les droits fondamentaux de l'individu. Entendue comme « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue », mais dans le respect de la loi, envisagée au sens large (art. 544 c.civ.), la propriété permet, de par ses attributs et ses caractères, à son titulaire, de multiples usages. Le propriétaire peut ainsi consentir des droits réels, c'est-à-dire des droits s'exerçant directement d'une personne sur une chose, et c'est précisément tout l'intérêt de l'arrêt étudié.
Le 28 avril 1981, un syndicat de copropriétaires constitue un droit d'usage sur un lot composé d'un transformateur de distribution publique au bénéfice de la société ERDF. Le syndicat (demandeur) assigne plusieurs décennies après la société (défenderesse) en constatation de l'expiration du droit d'usage au 28 avril 2011 et en libération des lieux. Le 29 octobre 2013, les juges de la Cour d'appel de Caen rejettent la demande au motif que le droit d'usage consenti serait un droit réel de jouissance spéciale exclusif et perpétuel en faveur d'un tiers. Le syndicat forme alors un pourvoi en cassation afin de contester le caractère perpétuel dudit droit réel consenti.
[...] Bien sûr, à cette époque, la Haute Cour ne s'était pas prononcée sur le nombre illimité des droits réels et surtout sur le droit du propriétaire de créer des démembrements à sa guise. Néanmoins, si le syndicat devait avoir voulu que le droit d'usage ne dure que trente ans, on peut imaginer que la société ERDF ne comptait pas limiter la jouissance du transformateur. Les juges ont par conséquent forcé la volonté établie dans la convention d'établissement du droit réel de jouissance spéciale, même s'il n'avait pas été envisagé comme tel lors de sa création. [...]
[...] Ainsi, il confère un droit d'usage, un droit de jouissance et un droit de disposer de la chose. Par ailleurs, il est absolu, perpétuel et exclusif. S'agissant d'un droit réel, c'est-à-dire d'un pouvoir d'une personne s'exerçant directement sur une chose, la jurisprudence a admis que cette catégorie de droits ne souffrait d'aucun numerus clausus et que le propriétaire, par la conjonction des attributs et caractères de son droit, pouvait créer autant de droits réels qu'il le souhaitait, c'est-à-dire qu'il pouvait démembrer sa propriété. [...]
[...] Le syndicat forme alors un pourvoi en cassation afin de contester le caractère perpétuel dudit droit réel consenti. La question qui se posait aux juges de la Haute Cour était donc de savoir si le droit réel conférant le bénéfice d'une jouissance spéciale consenti par le propriétaire sur son bien était perpétuel. Autrement dit, il leur était demandé de déterminer si le caractère perpétuel du droit de propriété se répercutait sur le démembrement de ce dernier. Dans leur arrêt du 28 janvier 2015, les magistrats de la troisième chambre civile annulent la décision des juges du fond au visa des articles et 1134 du Code civil. [...]
[...] L'opportunité discutable de la négation du caractère perpétuel du droit réel de jouissance spéciale Le droit litigieux se voit assimilé sans la moindre discussion au droit d'usage et d'habitation et à l'usufruit, autres démembrements du droit de propriété mais la volonté des parties à la convention est également interprétée L'assimilation de tous les démembrements du droit de propriété Le droit réel de jouissance spéciale voit sa durée définie et réglementée en fonction des dispositions propres à l'usufruit et au droit d'usage et d'habitation, démembrements de la propriété codifiés. Une telle assimilation peut sembler discutable, car ces différents droits sont très différents les uns des autres. [...]
[...] En l'espèce, la Cour de cassation valide le raisonnement des juges du fond qui avaient qualifié le droit d'usage litigieux de droit réel de jouissance spéciale. Le droit réel de jouissance spéciale démontré, c'est maintenant à la durée de son existence qu'il faut s'intéresser. La reconnaissance du caractère nécessairement temporaire du droit réel de jouissance spéciale Le pourvoi formé par le titulaire du droit d'usage litigieux avait pour objectif de trancher la question de la durée de celui-ci : était-il perpétuel comme le droit de propriété dont il est issu, ou seulement temporaire de par sa nature de démembrement ? [...]
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