Le mandat est un contrat qui a connu, depuis sa création, un essor considérable, tant dans la vie des affaires que pour les particuliers, quittant ainsi la catégorie des « petits contrats » pour rejoindre celle des « grands contrats ». Défini à l'article 1984 du code civil, en son alinéa 1er, comme « un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom », le contrat de mandat s'est à la fois multiplié et diversifié, suscitant ainsi un important contentieux.
Dans l'arrêt rendu le 5 février 2002 par la première chambre civile, la Cour de cassation était confrontée au problème de la révocation du mandataire par le mandant, caractéristique essentielle du contrat de mandat.
Un couple avait donné un mandat non exclusif à un agent immobilier, qui avait pour mission de rechercher et de leur présenter un acquéreur en vue de la vente de leur maison à usage d'habitation. Ce mandat présentait la particularité d'être conclu pour une durée irrévocable de six mois, renouvelable par tacite reconduction pour un an.
La vente ayant été réalisée, le mandataire assigne ses mandants en paiement de sa commission. Sa demande n'ayant pas été accueillie en première instance, l'agent immobilier interjette appel. Mais la cour d'appel rend un arrêt confirmatif par lequel elle le déboute également, au motif que le mandat avait été révoqué par les mandants avant que la vente n'intervienne, ce dont le mandataire avait eu connaissance, puisqu'il avait découvert dans un journal une annonce passée par le couple en vue de la vente de leur maison. L'agent immobilier forme alors un pourvoi en cassation, dans lequel il soutient qu'il a correctement exécuté ses obligations découlant du mandat qui lui a été conféré, dans la mesure où il a présenté un acquéreur au couple vendeur. De plus, il prétend que le mandat n'a pu être révoqué tacitement, et qu'il n'est pas prouvé qu'il ait eu connaissance de la révocation. Il estime ainsi être en droit de réclamer aux mandants le paiement de sa commission.
[...] Une telle solution serait également contraire à l'esprit du mandat, qui est un contrat conclu intuitu personae et reposant sur la confiance du mandant en la personne de son mandataire. Le mandat doit donc pouvoir être révoqué librement par le mandant, sans que sa décision ne lui porte préjudice. La liberté de révocation ad nutum dont jouit le mandant ne doit cependant pas s'exercer au détriment du mandataire. Celui-ci subit nécessairement la rupture indésirée, de sa part, du mandat, ce qui le prive de la rémunération escomptée. [...]
[...] La première chambre civile se repose sur l'appréciation souveraine des juges du fond pour décider que le mandat a été révoqué par les mandants, et que le mandataire a bien eu connaissance de sa révocation. Ainsi, l'agent immobilier n'a pas droit à sa rémunération. Par cet arrêt de principe, la Cour de cassation fait de la libre révocabilité du mandat un principe absolu auquel on ne peut déroger contractuellement Elle met cependant en place un régime protecteur, mais limité, instauré par la stipulation d'irrévocabilité au profit du mandataire révoqué (II). [...]
[...] Or cette instabilité inhérente au mandat est contraire au principe de la sécurité juridique des relations contractuelles, au détriment du mandataire. En effet, même lorsque les parties ont pris soin de qualifier leur mandat d'irrévocable, le mandataire n'est jamais certain qu'il conservera le pouvoir d'agir au nom et pour le compte du mandant jusqu'à l'expiration du terme fixé contractuellement, quand bien même il exécuterait correctement ses obligations et ne commettrait aucune faute de nature à justifier la révocation. Ainsi, lorsqu'il conclut un contrat de mandat, le mandataire doit savoir qu'il prend le risque d'être révoqué à tout moment, indépendamment de sa faute ou de la stipulation d'irrévocabilité du mandat. [...]
[...] Il est de son essence que le mandant dispose d'une faculté de révocation ad nutum du mandat. En l'espèce, le contrat litigieux est un mandat d'agent immobilier. Le contrat qui lie le propriétaire d'un bien qu'il souhaite vendre ou mettre en location à un agent immobilier est expressément qualifié de mandat par le législateur. En effet, la loi dite Hoguet du 2 janvier 1970 et son décret d'application du 20 juillet 1972 réglementent la profession d'agent immobilier, au titre des mandats spéciaux. [...]
[...] Mais la jurisprudence confère par ailleurs à cet article un caractère supplétif. Il est donc possible d'y déroger par une stipulation expresse émanant des parties. Ainsi, dans un arrêt rendu le 9 juillet 1885, la chambre des requêtes a reconnu la validité d'une clause contraire à l'article 2004 du code civil et donc à la libre révocabilité du mandat. Le mandant peut en effet renoncer à son droit de révocation ad nutum du mandataire, ou en soumettre l'exercice à des conditions déterminées. [...]
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