L'article 1131 du Code civil dispose que « l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ». L'acception commune veut que la cause soit la raison pour laquelle une partie s'engage, mais il est impossible de se borner à une définition aussi simpliste de la question, tant la cause a fait et fait encore l'objet de discordes doctrinales et jurisprudentielles. L'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de Cassation le 16 décembre 1986 s'inscrit ainsi dans la controverse suscitée par le régime applicable en cas d'absence de cause.
En effet, Mme Klein avait, par le biais d'une petite annonce, émis le souhait d'accompagner une personne seule ou âgée en vacances et donc de partager l'usage de sa voiture. C'est ainsi que Mme Klein fit la rencontre de M. Schoch, qui en contrepartie de la prestation rendue payait les frais de carburant et de restauration. Lors de leurs voyages communs, la voiture de Mme Klein connut plusieurs pannes. M. Schoch lui suggéra alors d'en acquérir une nouvelle et lui remit à cet effet la somme de 35 000 francs. Mme Klein put ainsi acheter une nouvelle voiture et continua à voyager en compagnie de M. Klein. Puis les deux protagonistes se brouillèrent et leurs voyages communs cessèrent. M. Klein assigna alors le 8 mars 1978 Mme Klein en restitution de la somme qu'il lui avait versée. Le préjudice fut porté à la connaissance d'une juridiction d'appel qui statua en faveur de M. Klein. Mme Klein forma alors un pourvoi en cassation, au motif que la Cour d'appel n'a pas apprécié l'existence de la cause au moment de la formation du contrat comme le veulent les textes, mais au moment de son exécution.
La Cour de cassation va rejeter ce pourvoi au motif que « sans méconnaître que la cause, élément nécessaire à la constitution du contrat, doit exister au jour de la formation de celui-ci (...), l'inexécution de son obligation à prestation successive justifiait la demande de son engagement réciproque et corrélatif ».
Ainsi, la première chambre civile va, le 16 décembre 1986, opérer une distinction entre les contrats instantanés et les contrats à exécution successive et créer ainsi un régime dérogatoire pour ces derniers. En effet, l'appréciation de l'existence de la cause se fait en principe à la formation du contrat (I), même si l'évolution jurisprudentielle et doctrinale semble inciter le juge à l'examiner également lors de l'exécution du contrat (II).
[...] Reste à savoir comment la doctrine appréhende les critères de définition de la cause et quel régime lui est applicable La définition traditionnelle de la théorie classique de la cause La théorie classique de la cause, dont Domat fut l'instigateur, se base sur la causa proxima, c'est-à-dire sur la raison immédiate de s'engager. Cette raison est abstraite et par là même commune à tous les types de contrats. En effet, la théorie classique de la cause ne s'attache pas aux motifs pour lesquels le contractant s'engage. [...]
[...] La théorie classique impose que l'on doit se prononcer sur la qualité de la cause au moment de la formation du contrat : l'obligation doit avoir une cause licite pour être valide. Quid de la charge de la preuve ? Pour les contrats synallagmatiques, les obligations se justifient mutuellement par nature. Le problème est bien différent pour les conventions unilatérales de paiement : les billets non causés qui relèvent de l'article 1132 du Code civil, et pour lesquelles est instituée une présomption d'existence de cause. [...]
[...] C'est en tout cas ce que préconise la théorie classique de la cause. Mais l'évolution doctrinale et jurisprudentielle tend à remettre en question cette vision des choses. II. La cause comme élément essentiel lors de l'exécution du contrat ? La remise en question progressive de la théorie classique de la cause se manifeste par la création jurisprudentielle d'une nouvelle distinction mais également par la prise en compte d'intérêts nouveaux La naissance jurisprudentielle d'un régime dérogatoire La doctrine contemporaine, sous l'impulsion d'Henri Capitant, tend à remettre en question le fait que l'on doive apprécier la cause au moment de la formation du contrat, et entend la cause comme un élément du contrat qui doit exister tout au long de l'exécution de ce dernier. [...]
[...] Ainsi, on peut noter les évolutions en matière de clause d'indivisibilité entre deux contrats apportées par l'arrêt rendu le 15 février 2000 par la chambre commerciale de la Cour de cassation, mais également celles en matière de lésion. Mais l'on est en droit de se demander si c'est bien là le rôle du juge que d'assurer une équité économique dans les contrats. Toute convention à titre onéreux est par nature aléatoire (tout du moins en partie) économiquement parlant. En supprimant cette marge d'action, on peut craindre d'aboutir aux effets inverses à ceux recherchés. [...]
[...] En excluant les motifs qui ont poussé les parties à contracter, la théorie classique de la cause s'est placée sous le feu de la critique. Parmi ses plus fameux détracteurs, on peut citer Planiol pour qui cette vision de la cause était à la fois inutile et fausse. Elle est inutile en ce que la cause se confond avec l'existence même du contrat. En effet, dans le cadre d'un contrat synallagmatique de vente, l'absence de cause se confond avec l'absence d'objet. [...]
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