Les théoriciens de la pensée classique en matière contractuelle se fondaient sur les valeurs individualistes consacrées lors de la Révolution Française afin de prôner la liberté et l'autonomie contractuelle. Les hommes égaux entre eux ne pouvaient être que justes. Ainsi ce qui était contractuel était forcément juste. Certains auteurs au contraire, considèrent une telle vision comme contraire à la réalité contractuelle et propice à l'injustice contractuelle. C'est ainsi que la notion de bonne foi est consacrée en garde fou de la liberté contractuelle sur le fondement de l'article 1134, troisième alinéa. Même si la notion n'est pas toujours invoquée en tant que telle par la jurisprudence, elle reste utilisée par le juge afin de promouvoir un certain civisme contractuel dans les rapports entre contractants tout comme l'illustre l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 11 juin 1996.
En l'espèce, les faits sont simples. Une copropriété a passé un contrat de fourniture de chauffage et de maintenance des installations avec une société. Le prix fixé du contrat cadre était variable en fonction de paramètres et actualisable par le jeu d'indices représentatifs. Le 15 Octobre 1987, la société a informé le syndicat des copropriétaires de l'application du tarif proposé par gaz de France, plus avantageux que la tarification initialement pratiquée.
L'assemblée des copropriétaires a le 30 Mars 1990 donné mandat au syndic d'engager une action en responsabilité contre la société pour application tardive du tarif, lequel existait depuis septembre 1985 et qu'elle avait souscrit en avril 1986 sans en faire bénéficier la copropriété.
Le syndic a fait assigner la société devant le tribunal de grande instance en paiement d'une somme représentant l'économie qui aurait été réalisée par la copropriété en cas d'application en temps utile du nouveau tarif. La cour d'appel les déboute de leur demande au moyen qu'aucune mention de l'obligation d'informer la cliente de la création d'un nouveau tarif n'était inclue dans le contrat. Non satisfait de cette décision, le syndic forme un pourvoi devant la Cour de cassation. Ces derniers réclament du fournisseur le paiement d'une somme équivalente à l'économie qui aurait été réalisée par la copropriété en cas d'application en temps utile du nouveau tarif. Le demandeur se fonde ainsi sur le comportement du fournisseur qui n'a pas informé le client à temps de la création d'un nouveau tarif davantage profitable. Le défendeur, à savoir la société, refuse de verser une telle somme au moyen que la lettre du contrat ne l'obligeait pas à informer la cliente de la création d'un nouveau tarif.
Ainsi, est-ce que le débiteur est tenu d'exécuter le contrat au mieux des intérêts de son créancier ?
La Cour de cassation répond positivement à la question aux motifs que la société chargée par ses clients d'exploiter leur installation de chauffage et de fourniture en eau chaude était tenue de la faire au mieux de leurs intérêts et en conséquence de les informer de toute possibilité de modification favorable des tarifs de gaz de France.
Cette solution illustre dans une certaine mesure le rôle du juge qui ne se borne pas à contrôler l'application pure et simple des dispositions du contrat, tout comme le principe d'intangibilité du contrat consacré à l'article 1134 alinéa premier semble en convenir. Aussi le devoir de coopération des contractants est-il consacré au détriment de la lettre du contrat (I). Il en résulte que la solution émise par le juge apparaît s'inscrire dans un mouvement général de déclin du libéralisme contractuel au profit de la bonne foi (II).
[...] Le juge peut aller jusqu'à sanctionner la proportionnalité des prestations contractuelles. De même, la rupture brutale des pourparlers peut être sanctionnée sur le fondement de la bonne foi. En dépit des nombreuses critiques formulées à l'encontre de la jurisprudence favorable à l'éthique contractuelle et à la bonne foi des contractants, la solution étudiée semble répondre aux nécessitées de la réalité des faits. Une solution sensible à la réalité des faits La réalité contractuelle semble être dans une certaine mesure en accord avec l'idée de Jean Carbonnier selon laquelle le contrat est un antagonisme d'intérêts Autrement dit, le contrat ne sert pas à être juste mais à faire de bonnes affaires. [...]
[...] La cour d'appel les déboute de leur demande au moyen qu'aucune mention de l'obligation d'informer la cliente de la création d'un nouveau tarif n'était inclue dans le contrat. Non satisfait de cette décision, le syndic forme un pourvoi devant la Cour de cassation. Ces derniers réclament du fournisseur le paiement d'une somme équivalente à l'économie qui aurait été réalisée par la copropriété en cas d'application en temps utile du nouveau tarif. Le demandeur se fonde ainsi sur le comportement du fournisseur qui n'a pas informé le client à temps de la création d'un nouveau tarif davantage profitable. [...]
[...] Il est à noter qu'un tel raisonnement sera repris par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 20 Octobre 1998. La Cour de cassation consacre en effet le troisième alinéa de l'article 1134 du code civil dans une certaine mesure au détriment de l'alinéa premier du même article en privilégiant l'esprit et non la seule lettre du contrat. Enfin, la Cour de cassation avait déjà auparavant en 1992 souligné le devoir de coopération entre les contractants lorsque le contrat devenait excessivement déséquilibré. [...]
[...] La cour d'appel consacre d'une certaine manière le libéralisme économique et la lettre du contrat en faisant fi de toute autre donnée. Le contrat apparaît alors légitimement comme un conflit entre des intérêts divergents, à l'origine de conséquences hostiles à l'équité contractuelle. Concrètement, la cliente a perdu une somme extrêmement importante en raison du silence adopté par la société. L'économie qui aurait été réalisée par la copropriété en cas d'application utile du nouveau tarif s'élève à un montant de francs. La décision de la Cour d'appel va donc à l'encontre des intérêts de la copropriété. [...]
[...] De même, au cours d'une décision rendue en 1998 la Cour de cassation imposera une renégociation fondée sur la bonne foi. Il est à préciser que dans ce cas précis, le juge n'intervient que pour vérifier s'il y a bien eu renégociation et non pas pour réviser lui-même le contrat. La solution émise par la Cour de cassation consacre davantage l'esprit que la simple lettre du contrat afin de privilégier le devoir de coopération des contractants, et d'une manière plus générale l'exécution des conventions de bonne foi. [...]
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