En posant que « les maîtres et commettants (sont responsables) du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés » et non à l'occasion des fonctions, l'article 1384, alinéa 5 paraît bien indiquer que ses rédacteurs ont entendu assez strictement la responsabilité du commettant du fait de son préposé. Mais la question qui a sans doute donné le plus de fil à retordre à la haute juridiction est celle de l'abus de fonction. En effet, il a fallu quatre arrêts d'Assemblée Plénière en dix ans (AP 10 juin 1977, AP 17 juin 1983, AP 17 novembre 1985, AP 19 mai 1988), et cinq en moins de trente ans en ajoutant l'arrêt rendu par les chambres réunies en 1960 (Ch. Réunies 9 mars 1960). Cette notion a donné lieu à un grand nombre de décisions dans le passé, mais elle continue à se faire entendre à l'heure actuelle : l'arrêt de la deuxième chambre civile du 17 mars 2011 en est un bon exemple.
En l'espèce, un professeur de musique est condamné par une Cour d'assises pour avoir commis des viols et des agressions sexuelles sur ses élèves. Après avoir indemnisé les victimes, le fonds assigne en remboursement le commettant et son assureur.
En appel, la Cour condamne in solidum l'assureur et le commettant à payer au fonds une somme d'argent. Mécontents, ils forment chacun un pourvoi en cassation dont le moyen principal est que le commettant s'exonère de sa responsabilité lorsque son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions.
[...] Commentaire de l'arrêt rendu par la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation le 17 mars 2011 : la responsabilité du commettant En posant que les maîtres et commettants (sont responsables) du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés et non à l'occasion des fonctions, l'article 1384, alinéa 5 paraît bien indiquer que ses rédacteurs ont entendu assez strictement la responsabilité du commettant du fait de son préposé. Mais la question qui a sans doute donné le plus de fils à retordre à la haute juridiction est celle de l'abus de fonction. [...]
[...] Et c'est l'arrêt du 19 mai 1988 qui va y mettre un point final en disposant que le commettant ne s'exonère de sa responsabilité que si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions L'arrêt étudié est bien conforme à celui- ci : il confirme l'existence et l'importance des trois critères cumulatifs énoncés : [ ] fût-ce sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions, n'avait pas agi en dehors de ses fonctions Donc, la deuxième chambre civile confirme l'appréciation objective de ces trois critères définissant la notion d'abus de fonction. B. La conception stricte de la notion d'abus de fonction. [...]
[...] Il est très compliqué pour le commettant de prouver que le préposé a agi en dehors de ses fonctions, puisque cette condition s'apprécie de façon objective et autonome. Mais pour faire contre pied à cette difficulté, la jurisprudence admet que la responsabilité du préposé soit engagée même lorsqu'il a agi hors de sa mission, mais dans ses fonctions. Ainsi, même s'il ne peut s'exonérer totalement, le commettant partage la responsabilité avec le préposé, il s'exonère donc partiellement dans ce cas de figure. [...]
[...] Cette conception stricte n'est pas approuvée par une grande partie de la doctrine, car elle est défavorable aux victimes alors pourtant que c'est l'activité du commettant qui a engendré le risque d'abus : les différents fondements de la responsabilité conduisent tous à préférer une conception large de l'abus de fonction. En plus de cette conception stricte, la notion d'abus de fonction se caractérise par trois critères cumulatifs. Cette double difficulté illustre le fait qu'elle ne pourra être retenue que rarement. Par conséquent, la responsabilité du commettant pourra être retenue trop souvent. II L'impossible exonération des commettants Une conception renouvelée de l'abus de fonction démontre la difficulté d'énoxération des commettants mais cet arrêt contourne les conséquences du célèbre arrêt Costedoat (AP 25 février 2000 ) A. [...]
[...] Par conséquent, les victimes ne peuvent agir que sur la responsabilité d'une seule personne : le commettant. L'arrêt Cousin (AP 14 décembre 2001) offre, quant à lui, une responsabilité alternative, un cumul de responsabilité semble possible. l'arrêt Cousin est confirmé par l'arrêt étudié puisqu'il contourne u problème majeur posé par l'arrêt Costedoat : un système de responsabilité pas du tout favorable aux victimes. Cet arrêt du 17 mars 2011 va dans le sens jurisprudentiel actuel : c'est à dire une indemnisation plus grande des victimes. [...]
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