Lorsqu‘Antoine Loisel dit « Ami au prêter, ennemi au rendre », il ne fait qu'illustrer le retournement de situation souvent subie par le prêteur loyal, auteur d'un acte bienfaisant, qui se trouve privé de son droit de propriété et obligé au pire des cas à attendre le décès de l'emprunteur pour retrouver la jouissance de son bien.
En l'espèce, des locaux pris à bail par la société Gestion Pierre Cardin et loués par la société Maxim's ont été occupés à titre gratuit par une tierce société, en vertu d'un acte passé avec le locataire. Le bailleur a alors assigné cette dernière société aux fins d'obtenir son expulsion. En date du 14 décembre 2005, la Cour d'appel de Paris rejette cette demande et considère que, pour apprécier le bien fondé de la demande d'expulsion, il fallait préalablement trancher le litige concernant l'opposabilité à la société demanderesse de l'acte valant prêt. La société Gestion Pierre Cardin forme alors un pourvoi en cassation.
La question qui se posait à la Cour de cassation était de savoir si le prêteur est en droit d'obtenir la restitution de la chose prêtée, en l'absence de terme stipulé contrat et sans justifier d'un besoin pressant et imprévu de disposer de celle-ci ?
Dans cet arrêt du 4 avril 2007, la Haute Juridiction casse et annule l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris. Cette décision vient confirmer une jurisprudence antérieure visant à protéger le commodant, dans un souci d'équilibre du contrat de prêt à usage. Classiquement, le prêt à usage constitue un acte amical, consenti dans le but de rendre service par souci de loyauté et de fraternité. Devenu un instrument des relations d'affaires et domestiques, il n'est désormais marqué que par son caractère gratuit qui le caractérise du prêt de consommation, contrat à titre onéreux.
Malgré le visa fait à l'article 1998, la Cour de cassation écarte le problème de l'opposabilité de l'acte litigieux à la société demanderesse, et concentre sa solution sur le régime de la restitution de la chose prêtée sous l'empire du commodat. Elle énonce que « l'obligation pour le preneur de rendre la chose prêtée après s'en être servi est de l'essence du commodat; qu'en l'absence d'un terme convenu ou prévisible, le prêteur est en droit d'obtenir la restitution de la chose à tout moment, sauf à respecter un délai raisonnable ».
En appliquant le droit commun des contrats au contrat spécial qu'est le commodat, la troisième chambre civile a fait primer l'intérêt du prêteur en lui permettant de résilier unilatéralement le contrat (I). Mais cette décision, si elle semble rationnelle dans son esprit, s'avère en réalité discutable (II).
[...] A contrario, on pourrait penser que si les parties ont souhaité agir par le biais du commodat, c'est pour ne pas être enfermé dans un contrat stricto sensu, il paraît donc logique de laisser à la partie bienfaisante le droit d'en sortir dans un délai raisonnable. Cependant, il est difficile en pratique de mettre en œuvre une telle distinction faute d'éléments sur lesquels on pourrait se fonder pour déterminer ce qu'est un tel délai raisonnable et cette seconde interprétation, si elle est possible, parait peu probable. [...]
[...] C'est la transposition au commodat de la règle de l'article 1900 du Code civil pour le prêt de consommation. La première chambre civile avait pourtant pris cette voie, dans sa décision du 12 novembre 1998, voie qui nous paraît plus opportune car aussi équitable que rationnelle. D'autre part, cette solution semble critiquable à différentes échelles; rien dans cette décision ne nous indique que ce délai de préavis existait et a été fixé en l'espèce, et aucune indication quantitative n'est donnée en ce qui concerne la durée raisonnable du délai de préavis, ce qui pourrait constituer une source d'insécurité juridique pour l'emprunteur. [...]
[...] En l'espèce, des locaux pris à bail par la société Gestion Pierre Cardin et loués par la société Maxim's ont été occupés à titre gratuit par une tierce société, en vertu d'un acte passé avec le locataire. Le bailleur a alors assigné cette dernière société à fin d'obtenir son expulsion. En date du 14 décembre 2005, la Cour d'appel de Paris rejette cette demande et considère que, pour apprécier le bien fondé de la demande d'expulsion, il fallait préalablement trancher le litige concernant l'opposabilité à la société demanderesse de l'acte valant prêt. La société Gestion Pierre Cardin forme alors un pourvoi en cassation. [...]
[...] D'autre part, en matière de contrat de prêt à usage, l'obligation essentielle repose sur l'emprunteur, à charge pour lui, aux termes de l'article 1875 du Code civil, de restituer la chose prêtée. Une contradiction latente peut donc être mise en évidence entre l'article 1875 du Code Civil qui fait apparaître la notion de restitution comme une composante essentielle du prêt à usage et l'article 1889 qui limite la restitution à l'existence d'un terme stipulé au contrat ou à défaut, à un besoin pressant et imprévu. [...]
[...] Le délai de préavis est donc un instrument du droit commun des contrats, au même titre que la résiliation unilatérale. Toutefois, si cette interprétation est bonne, la solution peut paraître critiquable car elle ne tient pas compte de la spécificité du prêt à usage pourtant voulue par le législateur. En d'autres termes, la jurisprudence écarte le droit spécial au profit du droit commun alors que la loi spéciale déroge à la loi générale». Mais la Cour de cassation parle d'un délai raisonnable», et non pas d'un délai de préavis raisonnable. [...]
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