Selon Henri Capitant, « si le contractant s'engage, ce n'est pas seulement pour obtenir que l'autre s'oblige de son côté. Les deux obligations corrélatives ne sont qu'un premier stade destiné à préparer le résultat définitif qui est l'exécution des prestations promises ». Par ces mots le célèbre juriste pose ainsi la problématique du dualisme causal et amorce par là même un débat doctrinal, encore d'actualité. En effet lorsqu'on s'engage contractuellement, il paraît évident que notre engagement n'est pas provoqué par une seule et unique raison. On a souvent de nombreux motifs pour effectuer un acte et ce d'autant plus lorsqu'il s'agit d'un contrat. Les juristes avaient bien compris la nécessité de différencier les différentes causes. Ainsi dès la mise en œuvre du droit, la distinction entre cause immédiate et cause lointaine a été faite. Il s'agissait de différencier la conception objective de la cause, établissant une même cause pour les contrats d'un même type, de la conception subjective qui mettait en avant une cause d'ordre personnel. A partir du moment où avait été faite la distinction entre ces deux formes de causes, il paraissait logique de leur attribuer des fonctions différentes. C'est bien ce que la doctrine a fait, finalisant ainsi le dualisme causal. Toutefois en droit rien n'est jamais acquis. Et alors que la doctrine continuait de s'opposer sur la nécessité de la cause et son utilisation juridique, la jurisprudence a traduit cette opposition interne par une évolution permanente de la notion de cause. Ainsi quasiment à chaque nouvelle décennie, la cause se voyait attribuer une nouvelle fonction ou plus précisément une nouvelle interprétation de sa fonction. Aujourd'hui alors que plus que jamais le débat concernant la nécessité de la cause bat son plein et que celle-ci pourrait dans l'avenir être amenée à disparaître, il paraît intéressant de s'attarder sur l'arrêt de rejet de la Chambre commerciale, déterminant en matière d'absence de cause.
En l'espèce, un commerçant avait conclu avec la société MDM multimédia un contrat de « création d'un point de location de cassettes vidéo ». Moyennant une somme convenue, l'homme pouvait disposer d'un lot de 120 cassettes, et ce pour une durée de dix mois renouvelables. Le commerçant n'ayant pas réglé sa redevance, la société agit en justice, et obtint une ordonnance d'injonction de payer à son encontre. Le commerçant forme alors opposition en sollicitant l'annulation du contrat.
[...] A la faveur de cette évolution, les frontières entre l'objectif et le subjectif, entre la cause de l'obligation et la cause du contrat, se sont brouillées. La cause n'est plus alors seulement un rempart contre le déséquilibre contractuel. Elle devient l'instrument qui permet de garantir que le contrat présente et conserve bien l'utilité et l'intérêt en considération desquels chaque contractant s'est engagé. L'importance de ce courant jurisprudentiel est apparue en pleine lumière avec le premier arrêt Chronopost du 22 octobre 1996. [...]
[...] Ainsi par cet arrêt la Cour de cassation opère un compromis entre la volonté de la doctrine classique et celle d'une doctrine plus moderne. Elle continue de contrôler l'existence de la cause selon la théorie subjective. De ce fait, elle contrôle l'économie du contrat, mais en imposant une limite, à travers le moyen de la preuve, elle se range également au côté de la doctrine classique, moins désireuse de protéger l'économie du contrat que sa stabilité. Depuis l'arrêt de 2009, la stabilité contractuelle l'a emporté sur l'équilibre économique des contrats. [...]
[...] Celui-ci n'a aucune possibilité de faire valoir la nullité du contrat pour dol, car sa connaissance des prestations l'a préservé d'une erreur déterminante. Mais en relevant le fait qu'il était à l'initiative du contrat et qu'en plus il souhaitait louer la marchandise décriée, la Cour de cassation cherche à insister sur la responsabilité de la prétendue victime de dol. D'une part, il n'est en aucun cas une victime puisqu'il a provoqué le contrat, mais d'autre part son intention de louer les cassettes de mauvaise qualité révèle son caractère malhonnête. [...]
[...] L'homme débouté de ses demandes forme alors un pourvoi en cassation. Il reproche tout d'abord à la Cour d'Appel d'avoir écarté l'allégation de dol, relative à la non-communication par la société de la conclusion d'un contrat similaire par un autre commerçant des alentours, sans même avoir répondu à ses conclusions. Il affirme qu'en agissant ainsi la Cour aurait violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile. L'homme avait également relevé l'existence d'un dol dans le contrat en raison de la non-révélation par la société de l'ancienneté des films et de la mauvaise qualité des cassettes. [...]
[...] La Cour de cassation, qui utilisait la conception subjective de la cause pour protéger un équilibre économique contractuel et ainsi protéger la partie faible du contrat, n'a pas lieu de recourir ici à une annulation du contrat pour absence de cause. De plus, il y est relevé que l'impossibilité, pour le commerçant, de réaliser l'exploitation prévue sur des objectifs qu'il a lui-même fixés dans un contexte que sa situation de commerçant installé lui permettait de définir» n'était pas établie. On devine alors par cette phrase que la Cour de cassation n'a pas été insensible aux circonstances de fait particulières qui accompagnaient l'affaire. [...]
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