Il y a quelques jours, le jeu « Call of Duty III » a généré plus de 400 millions de dollars de vente le jour même de sa sortie aux États-Unis et en Grande-Bretagne. C'est dire si les enjeux économiques relatifs au secteur du jeu vidéo sont colossaux. Néanmoins, il semble que le législateur ne prenne pas encore en compte la réalité économique, au regard des difficultés juridiques relatives au jeu vidéo. Des problèmes sont notamment posés quant à la titularité des droits, comme l'a montré l'affaire Cryo.
La société Sesam avait déclaré au passif de la liquidation judiciaire de la société Cryo, des créances résultant de la reproduction non autorisée des compositions musicales de son répertoire dans des jeux vidéos. La Cour d'appel de Paris avait admis ces créances, dans un arrêt du 20 septembre 2007, estimant que les œuvres musicales incorporées dans les jeux vidéos sont soumises aux droits de reproduction mécanique. La société Cryo s'était ensuite pourvue en cassation, au motif que les jeux vidéos sont des logiciels : les auteurs doivent donc être rémunérés forfaitairement conformément à l'article L.131-4-5 ° du Code la Propriété intellectuelle.
[...] La doctrine a donc vivement contesté la position de la Cour de Cassation. B L'adoption souhaitable d'une qualification distributive du jeu vidéo 1 La consécration explicite souhaitable du caractère complexe du jeu vidéo Il semble que les juges aient pris en considération ces critiques doctrinales en consacrant explicitement dans l'arrêt Cryo, une qualification distributive du jeu vidéo. Ainsi, dans un attendu de principe clair et explicite, la Cour de Cassation effectue un revirement de jurisprudence en affirmant que le jeu vidéo est une œuvre complexe qui ne saurait être réduite à sa seule dimension logicielle, quelque soit l'importance de celle-ci confirmant ainsi la solution donnée par la Cour d'Appel de Paris, le 20 septembre 2007. [...]
[...] B Les incertitudes soulevées par cette nouvelle conception distributive du jeu vidéo 1 Vers un nouveau mode d'exploitation et de protection du jeu vidéo La solution donnée par la Cour de cassation a une influence certaine sur le secteur du jeu vidéo, qui devra s'adapter et envisager une nouvelle façon d'utiliser les outils juridiques. La comptabilité et les risques devront être gérés différemment. Les entreprises de conception de jeu vidéo devront ainsi avoir recours à divers outils contractuels, en multipliant les autorisations (émanant des compositeurs musicaux, des auteurs de scénarios, des concepteurs des décors, etc.) et en envisageant diverses grilles de rémunérations (proportionnelles ou forfaitaires, selon le rôle tenu par les divers auteurs), de manière à sécuriser les droits portant sur un jeu vidéo. [...]
[...] C'est-ce qu'il ressort de la deuxième partie de l'attendu de principe : chacune des composantes du jeu vidéo est soumise au régime qui lui est applicable en fonction de sa nature En d'autres termes, le régime du logiciel (peu favorable) est appliqué seulement à la dimension logicielle du jeu vidéo. Pour ce qui est des autres aspects du jeu (musique, décors, personnages, scénarios le régime de droit commun s'applique. En l'espèce, l'enjeu pratique concernait la musique du jeu vidéo : l'application distributive permet d'attribuer des droits d'auteur autonomes aux compositeurs. [...]
[...] C'est l'article L.131-3, relatif à la cession des droits patrimoniaux, qui devra s'appliquer, conformément au droit commun. L'employeur devra donc nécessairement recueillir une autorisation des compositeurs : le domaine d'exploitation des droits cédés devra être délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et à la durée. La société SESAM était donc fondée à déclarer au passif de la liquidation judiciaire de la société Cryo, les créances résultat de la reproduction non autorisée des œuvres de son répertoire L'impossibilité d'appliquer une rémunération forfaitaire à certains auteurs du jeu vidéo De plus, la qualification distributive a une incidence sur la rémunération des auteurs du jeu vidéo. [...]
[...] I La consécration d'une qualification distributive du jeu vidéo en remplacement d'une conception unitaire Dans l'arrêt, la Cour de Cassation abandonne explicitement la qualification logicielle du jeu vidéo au profit d'une qualification distributive plus souhaitable et cohérente A L'abandon d'une qualification logicielle contestable du jeu vidéo 1 La qualification logicielle précédemment adoptée par la jurisprudence Le jeu vidéo est considéré comme une œuvre de l'esprit, protégée par le droit d'auteur, s'il satisfait à la condition d'originalité (C.Cass, Assemblée plénière mars 1986). Néanmoins, le régime qui doit lui être applicable a été source d'hésitations. Le droit commun pourrait s'appliquer si l'on envisage le jeu vidéo comme une œuvre audiovisuelle. A contrario, le droit spécial du logiciel s'applique si l'on considère le jeu vidéo - dans sa totalité - comme une œuvre logicielle. La Cour de Cassation a tout d'abord statué en faveur d'une conception unitaire du jeu vidéo (C.Cass, Crim, Midway juin 2000), en qualifiant celui-ci de logiciel. [...]
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