L'arrêt du 23 juin 2011 de la 1re Chambre civile marque un certain assouplissement dans le domaine de la responsabilité contractuelle du transporteur, la Cour de cassation semble appliquer l'adage « à l'impossible nul n'est tenu ».
Durant la Coup du monde 1998, dans le train opérant la liaison Lyon- Grenoble un passager ayant acquitté son titre de transport est soudainement poignardé par un supporter anglais alors qu'il était tranquillement assis. Il succombera à ses blessures. L'agresseur n'avait aucun motif d'agression et était démuni de titre de transport. La mère de la victime assigne la SNCF en réparation de son préjudice moral. Dans un arrêt du 5 janvier 2010, la Cour d'appel de Grenoble déboute la demanderesse de sa demande aux motifs qu'une telle agression n'aurait pu être empêchée par les contrôleurs, de plus la Cour d'appel retient la présence d'un cas de force majeure eu égard au caractère imprévisible et irrésistible de l'agression.
La demanderesse se pourvoit en cassation, elle estime que l'absence de titre de transport de l'agresseur et son trouble du comportement ne sauraient justifier l'exonération de l'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur le transporteur. Elle estime par ailleurs qu'étant donné les circonstances dans lesquelles se déroulait le voyage, la SNCF aurait dû prendre des mesures exceptionnelles de précaution pour palier à l'afflux important de voyageurs engendré par la Coupe du monde. De ce fait, elle estime que le caractère irrésistible du cas de force majeure doit être écarté.
[...] Est-il concevable qu'une personne dépourvue de tout discernement puisse être responsable du dommage qu'elle cause ? Avant 1968 le dément était irresponsable, on considérait que l'on ne pouvait imputer à un être privé de raison une responsabilité de son fait personnel. Le raisonnement était imparable : pour être responsable il faut jouir de son libre arbitre, il faut être en capacité de choisir son comportement, et par nature nature un dément ne bénéficie pas de cette liberté de comportement, donc il ne peut pas être responsable. [...]
[...] En conséquence pour les moments qui précédent la montée dans le train, et ceux qui suivent la descente étaient régis par la responsabilité délictuelle (Civ. 1ère 7 mars 1989 confirmée par les arrêts du 21 octobre juillet 1999). Le pourvoi invoque une violation de l'article 1447 du Code civil par les juges du fond, c'est cet article qui régit l'obligation de résultat, par cette obligation le débiteur s'est engagé à fournir un résultat précis, le débiteur promet à son créancier l'obtention du résultat, par conséquent le débiteur engagera sa responsabilité contractuelle par le simple fait que le résultat n'est pas atteint, que le créancier n'a pas obtenu le résultat escompté. [...]
[...] Avec cet arrêt la 1ère Chambre civile semble amorcer un revirement de jurisprudence, en effet on dénote un certain infléchissement de la Cour quant à la responsabilité du transporteur. La Cour qui semblait marquer un point d'honneur à l'obligation de sécurité du transporteur semble vouloir mettre fin à cette sévérité pour permettre une exonération de la SNCF. Cette décision peut surprendre, car dans des cas similaires la Cour avait refusée de reconnaitre les critères de la force majeure, ainsi dans l'arrêt du 3 juin 1974 la première Chambre civile avait condamné la RATP à indemniser une victime d'une agression sur le fondement de l'obligation de sécurité, cette solution fut par la suite confirmée dans un arrêt de principe en date du 12 décembre 2000 où la 1ère Chambre civile avait inclus le risque d'agression dans l'obligation de sécurité qui pèse sur le transporteur, elle rejeta la présence d'un cas de force majeure en estimant que l'agression aurait pu être évitée par des mesures de prévention appropriées. [...]
[...] Le critère d'extériorité semble être abandonné depuis l'arrêt du principe de l'Assemblée plénière en date du 12 avril 2006, en effet cet arrêt fait douter de la nécessité du critère d'extériorité. S'agissant du critère d'irrésistibilité, il renvoie au fait que l'évènement soit insurmontable, inévitable pour le débiteur qui n'a pu honorer son obligation. La jurisprudence fait d'ailleurs primer ce critère sur celui de l'irrésistibilité, ainsi sera cas de force majeure un évènement même prévisible, Civ 1ère 6 novembre 2002 la seule irrésistibilité de l'événement caractérise la force majeure Cette approche semble en concordance avec la solution retenue dans l'espèce, en effet l'agression irrationnelle par un supporter (déclaré irresponsable psychologiquement au pénal (Crim avril 2002), présente bien un caractère irrésistible lors de l'exécution du contrat. [...]
[...] La seule solution pour la victime d'obtenir réparation de son préjudice va être d'engager la responsabilité délictuelle du tiers. La responsabilité délictuelle du tiers La victime aurait pu fonder son action sur la responsabilité délictuelle du fait personnel énoncée à l'article 1382, en effet les éléments constitutifs de la responsabilité délictuelle semblent être réunis. Il y a bien la présence d'un dommage (préjudice moral), d'une faute (comportement irrationnel de l'agresseur), et d'un lien de causalité (fils de la victime décédé). [...]
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