L'arrêt en date du 7 novembre 2000, rendu par la Cour de cassation, dans sa formation civile, a eu à répondre d'un problème de cession de clientèle civile, autrement dit, de la vente d'une chose figurant hors du champ commercial.
En l'espèce, un chirurgien, M. Woessner, met son cabinet à la disposition d'un confrère, M. Sigrand, avec qui il crée une société civile de moyens. Par la suite, ils concluent une convention aux termes de laquelle M. Woessner cède à M. Sigrand la moitié de sa clientèle contre le versement d'une indemnité, ainsi qu'une convention par laquelle M. Woessner assure à M. Sigrand un chiffre d'affaire annuel minimum.
Alors que M. Sigrand avait déjà versé une partie de l'indemnité prévue par la convention, il estime que M. Woessner n'a pas respecté ses engagements vis-à-vis de sa clientèle, et l'assigne en annulation de la convention.
Pour contrer cette assignation en annulation, M. Woessner demande le paiement de la somme lui restant due sur le montant fixé par la convention. La Cour d'appel de Colmar, dans un arrêt confirmatif du jugement de première instance, rendu le 2 avril 1998 a non seulement prononcé la nullité de la convention litigieuse, ainsi que la condamnation de M. Woessner au remboursement des sommes versées par M. Sigrand, mais l'a également débouté de sa demande en paiement du solde de l'indemnité prévu par la convention.
[...] Sigrand ou à tout autre praticien de façon à ce qu'il ne soit pas porté atteinte au libre choix du patient, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé les articles 1128 et 1134 du Code civil, relativement respectifs aux choses entrant dans le domaine commercial, et au caractère de loi que tiennent les conventions légalement formées pour ceux qui les ont faites. Dans sa décision, la Cour de cassation rejette le pourvoi formulé par M. [...]
[...] Par cet arrêt du 7 novembre 2000, la première chambre civile de la Cour de cassation procède à un véritable revirement de jurisprudence en matière de cessions de clientèle civile. C'est en effet dans son attendu de principe qui dispose que la 2 cession de la clientèle médicale, à l'occasion de la constitution ou de la cession d'un fonds libéral d'exercice de la profession n'est pas illicite qu'elle opère une nette rupture avec la position jusqu'alors dominante. S'agissant d'un arrêt de rejet, il est important de préciser que le fait que l'arrêt soit un arrêt de rejet ne nuit pas à l'importance de la décision, puisqu'elle porte avant tout sur le fond, c'est-à-dire sur la validité de l'opération de cession de clientèle, et non sur le rejet opéré quant au non respect de la liberté du choix du patient. [...]
[...] C'est selon ce principe que la première chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt du 7 novembre 2000, confirme la position prise par la Cour d'appel de Colmar, qui avait dans sa décision du 2 avril 1998 considérée comme nulle la convention passée entre M. Woessner et M. Sigrand et prévoyant la cession de la moitié de la clientèle du premier au profit du second. A première vue, cet arrêt n'apporte rien de plus aux nombreuses décisions rendues en la matière depuis 1846. [...]
[...] C'est une question laissée ici en suspend. Ainsi, malgré le manque de précisions données par la Cour de cassation quant à deux notions essentielles, et la fixations d'une condition de validité des opérations de cession de clientèle civile, il n'en demeure pas moins que la décision rendue marque un tournant irrévocable avec le jurisprudence antérieure en la matière, puisqu'elle revient de manière non équivoque sur la prohibition systématique des cessions de clientèle civile. [...]
[...] Puisque nous parlions dans le paragraphe précédent de bornes au-delà desquelles les opérations sur les fonds libéraux pourraient être invalides, il est légitime de se demander où se situent ces bornent. C'est une question à laquelle la première chambre civile de la Cour de cassation ne répond pas. De même qu'elle n'apporte aucune précision quant à la notion de fonds libéral. La décision rendue ne concerne-t-elle que les clientèles médicales, comme en dispose l'attendu de principe, ou ce revirement de jurisprudence est-il applicable à l'ensemble des clientèles civiles ? [...]
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