La distinction entre les Biens meubles et immeubles semble au premier abord assez triviale. Mais, dans les faits, cette différenciation n'est pas aussi aisée qu'elle peut paraître. La Cour de Cassation, dans son arrêt rejet du 5 mars 1991 rendu par la troisième chambre civile en est la preuve.
Dans les faits, Monsieur Heuls a vendu un immeuble aux époux Rayon. Il les assigne en justice en restitution d'une bibliothèque intégrée totalement au fonds auquel elle était rattachée, puisqu'elle en épousait parfaitement les formes. Celle-ci cependant n'y était pas scellée, mais seulement posée. C'est pourquoi Monsieur Heuls estime qu'elle constitue un Bien meuble, et que par là-même, elle ne faisait pas partie intégrante de la vente. Il s'appuie sur les articles 524 et 525 du Code Civil, relatifs aux biens immeubles par destination, et vise en particulier les conditions nécessaires à l'immobilisation à perpétuelle demeure d'un meuble.
La Cour d'Appel le déboute de sa demande, au motif que la bibliothèque ne formerait pas un meuble, comme l'affirmait le demandeur, mais un immeuble à perpétuelle demeure, du fait justement de cette intégration parfaite au fonds auquel elle est rattachée.
Monsieur Heuls fait donc un pourvoi en Cassation. La troisième chambre civile rejette sa demande, en estimant que son argumentation n'était pas suffisante.
La Cour de Cassation a donc été amenée à résoudre le problème de droit suivant : un objet parfaitement intégré à un fonds, mais non scellé à celui-ci constitue-t-il un immeuble par destination ?
La juridiction suprême répond par l'affirmative, par une argumentation basée sur les conditions nécessaires à l'immobilisation par destination.
La qualification d'immeuble par destination est parfois difficile, et repose sur des conditions bien précises (I), mais si la Cour de Cassation estime qu'elles sont toutes remplies, son argumentation est quelque fois hésitante. (II)
[...] De la constatation d'un lien intellectuel (notion nouvellement affirmée par la jurisprudence et laissé à l'appréciation des juge), on définit alors l'existence de la deuxième condition nécessaire (la volonté, là aussi après une appréciation souveraine des juridictions de fond), et par là, la Cour qualifie l'accessoire d'immeuble par destination. Les conséquences juridiques de cette appréciation totalement souveraine sont alors très importantes. La volonté des propriétaires est donc une condition nécessaire. Mais ce n'est pas une condition suffisante, et ne peut pas par elle même qualifier le caractère meuble ou immeuble d'un Bien. [...]
[...] Commentaire de l'arrêt de la première chambre civile de la Cour de Cassation du 5 mars 1991 La distinction entre les Biens meubles et immeubles semble au premier abord assez triviale. Mais, dans les faits, cette différenciation n'est pas aussi aisée qu'elle peut paraître. La Cour de Cassation, dans son arrêt rejet du 5 mars 1991 rendu par la troisième chambre civile en est la preuve. Dans les faits, Monsieur Heuls a vendu un immeuble aux époux Rayon. Il les assigne en justice en restitution d'une bibliothèque intégrée totalement au fonds auquel elle était rattachée, puisqu'elle en épousait parfaitement les formes. [...]
[...] Son démantèlement semble inenvisageable, à cause de l'inutilité qu'elle présenterait hors de l'immeuble auquel elle est attachée, du fait même qu'elle a été construite aux dimension exactes de la pièce Ceci explique tout à fait la terminologie utilisée par la Cour de Cassation. Ne pouvant affirmer que le détachement de la bibliothèque impliquerait des détériorations du fonds en lui-même, elle utilise le terme plus subtile de substance du fonds pour motiver sa décision, sans la priver de bases légales. L'argumentation de la Cour de Cassation en ce qui concerne l'attache peut donc porter à confusion. [...]
[...] Cependant, il faut signaler deux conditions à l'immobilisation par destination. Il faut tout d'abord que l'immeuble par nature et le meuble affecté appartiennent au même propriétaire, ce qui est aisé à comprendre, et qui explique notamment que l'immeuble par nature et l'immeuble par destination ne peuvent être vendus séparément (c'est ici la base du conflit), et ensuite qu'un rapport de destination entre le meuble et l'immeuble existe : il faut que le propriétaire ait une intention d'immobiliser l'accessoire. De plus, le Code pose une troisième condition pour ce qui concerne les immeubles par destination attachés au fonds à perpétuelle demeure : il faut, selon le dernier alinéa de l'article 525, que l'objet puisse être enlevée sans fracture ou détérioration : le constat d'un lien physique entre l'immeuble et l'accessoire est nécessaire. [...]
[...] Ceci a été affirmé par la Cour de Cassation dès 1859, dans un arrêt rendu par la chambre civile le 17 janvier 1859 : la seule intention du propriétaire ne suffirait à attribuer aux glaces la caractère d'accessoire immobilier (Civ janv D.P 68). Cette décision a été confirmée par un arrêt de 1944 qui énonce que la seule volonté du propriétaire est impuissante à créer arbitrairement des immeubles par destination (Civ juin 1944 DC 1994.93 L'arrêt de 1991, légèrement postérieur à cet arrêt, réaffirme ce principe, en déclarant que la Nature immobilière ou mobilière d'un Bien est définie par la Loi, et la convention des parties ne peut avoir d'incidence à cet égard (Civ. [...]
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