Commentaire d'arrêt, Première Chambre civile, Cour de cassation, 5 avril 2005, contrat d'entreprise, contrat de dépôt
La distinction entre le contrat d'entreprise et le contrat de dépôt semble simple à première vue. En effet, le critère de distinction réside dans la mission du cocontractant. S'il doit exécuter un travail, le contrat conclu est un contrat d'entreprise ; et s'il est simplement chargé de conserver la chose en vue de sa restitution, il s'agit d'un contrat de dépôt.
Cependant, cette distinction entre ces deux contrats n'est pas toujours aussi facile à manier. Effectivement, il arrive souvent que l'entrepreneur chargé d'une réparation doive conserver la chose avant et après l'exécution de son travail. Il en va ainsi par exemple du garagiste.
En l'espèce, un propriétaire a déposé son véhicule chez un garagiste pour des réparations, et celui-ci n'aurait apparemment pas été le rechercher une fois lesdites réparations effectuées. De ce fait, le garagiste lui demande le paiement de frais de gardiennage.
Le propriétaire du véhicule, estimant ne pas devoir cette somme, saisit alors la justice.
[...] En l'espèce, on peut estimer que les juges se sont contentés d'inventer une nouvelle règle, mais n'ont pas réellement défini le fonctionnement de celle- ci. De ce fait, de nombreuses questions restent sans réponse. Déjà, on peut se demander si cette solution vaut pour tous les contrats de dépôt. Si on interprète strictement l'arrêt, on pourrait considérer que cette décision ne vaut pas pour tous les contrats de dépôts effectués chez un dépositaire professionnel, mais seulement pour un contrat de dépôt accessoire à un contrat d'entreprise. [...]
[...] Le contrat d'entreprise est un contrat par lequel une personne s'engage envers une autre à faire un ouvrage en fournissant son travail ou son industrie, moyennant une rémunération et en conservant son indépendance (d'après l'article 1710 du Code civil). Pour que le garagiste puisse effectuer le travail sur le véhicule, celui-ci doit évidemment lui être remis. Et par conséquent, le garagiste va avoir la garde de la chose. Il va devoir prendre soin du véhicule confié, et va devoir le restituer à son client en bon état une fois la réparation effectuée. Ainsi, en plus du contrat d'entreprise, le garagiste conclut avec son client un contrat de dépôt. [...]
[...] Ainsi, ce régime juridique est particulièrement favorable au garagiste, car cela oblige le client à prouver que le contrat de dépôt était conclu à titre gratuit. Et cette preuve sera extrêmement difficile à rapporter, voir quasiment impossible. Ainsi, s'il n'arrive pas à rapporter cette preuve, le contrat sera présumé avoir été conclu à titre onéreux, et donc le client, n'ayant pas respecté son obligation de retirement, devra payer plus cher l'entrepreneur, qui aura effectué les réparations ainsi qu'une mission de gardiennage. [...]
[...] Le garagiste se pourvoit donc en cassation en vue d'être rémunéré pour le contrat de dépôt qu'il a exécuté. Le contrat de dépôt accessoire à un contrat d'entreprise peut-il être onéreux ? À qui incombe la charge de la preuve de ce caractère onéreux lors d'un contrat de dépôt d'un véhicule chez un garagiste : au client ou au garagiste lui-même ? La Cour de cassation annule la décision de la Cour d'appel dans un arrêt de principe de la Première Chambre civile en date du 5 avril 2005. [...]
[...] B Une solution contestable laissant de nombreuses questions sans réponse La Cour de cassation dans cet arrêt de principe décide d'une qualification distributive mêlant contrat d'entreprise et contrat de dépôt. Mais l'on peut se demander s'il n'aurait pas été mieux d'opter pour une qualification unitaire du contrat, comme cela a été fait quelques années auparavant dans un arrêt de la Première chambre civile de la Cour de cassation du 7 juillet 1992 91- 10.259 En effet, on pourrait considérer que l'obligation de garde du garagiste est inhérente au contrat d'entreprise. [...]
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