Commentaire d'arrêt, Première Chambre civile, Cour de cassation, 4 juillet 2012, article 14 du Code civil, compétence internationale
L'article 14 C.civ. est mort, vive l'article 14! Telle pourrait être la première réaction à la lecture de l'arrêt de la Première chambre civile de la Cour de cassation du 4 juillet 2012.
En l'espèce, il est question d'un couple franco-américain ayant résidé aux États-Unis jusqu'au retour de l'épouse française sur le territoire français. Elle était alors accompagnée de son premier enfant et enceinte du second. Quelque temps après son retour en France elle saisit les tribunaux français pour faire prononcer son divorce. Son mari, en réponse, forme quelques jours après la même demande devant le juge américain. Le tribunal français s'estime compétent et rend la décision de divorce. Le mari américain interjette appel et la Cour d'appel de Lyon écarte la compétence internationale des tribunaux français pour connaitre de ce litige au motif que la compétence prévue à l'article 14 C.Civ. serait une compétence facultative et que le litige se rattacherait de « manière caractérisée » à la juridiction américaine.
[...] L'épouse se pourvoit en cassation et obtient une première décision en date du 30 sept dans laquelle la Cour de cassation censure le raisonnement de la Cour d'appel de Lyon en précisant que les tribunaux français ont été valablement saisis sur la base de l'article 14 du Code civil et que cette compétence résiduelle du juge français était en parfaite conformité avec les engagements internationaux et européens de la France. Après renvoi de la Cour de cassation à la Cour d'appel de Lyon, cette dernière refuse de se plier et rend l'arrêt qui fait l'objet du second pourvoi de l'épouse devant la Haute juridiction, de notre arrêt d'espèce. [...]
[...] En effet, à aucun moment dans le texte de l'arrêt en question ou même dans le moyen annexe on ne peut trouver le moindre indice exprès de cette subsidiarité. Cela pourrait paraître étonnant au regard de la jurisprudence incontestée depuis 1985 dite Sté Cognac and Brandies from France, si on ignorait la tendance de la Cour de cassation à un certain ésotérisme et sa désapprobation de la répétition. Bien évidemment, en aucun moment la cour ne paraît légitimer, non plus, un caractère autre que le caractère subsidiaire du privilège de juridiction. [...]
[...] La démarche de la Cour de cassation amène à deux niveaux de conséquences quasiment auto neutralisée. Dans un premier temps, elle consacre un retour en arrière tempéré en reconnaissant la compétence internationale du juge français en raison de la seule nationalité mais dans un second temps elle procède à une analyse assez paradoxale de la fraude consacrant ainsi une évolution en matière de compétence internationale (II). I. Le retour en arrière tempéré ou la compétence internationale fondée sur l'article 14 du Code civil Si la Haute juridiction française s'efforce à rejeter l'existence d'un juge naturel au profit de la compétence en raison de la nationalité ce n'est pas sans reconnaître le caractère nécessairement subsidiaire de cette règle prévue à l'article 14 Cciv. [...]
[...] Cette subsidiarité consacrée dans la jurisprudence de la Cour de cassation était le fondement même des doutes sur l'applicabilité de l'article 14 en matière de divorce. L'importance de ce caractère est capitale, car il démontre que le juge français même si dans des cas véritablement exceptionnels peut avoir recours à cette règle, il respect profondément les règles de compétence ordinaires et ne recourt pas à l'impérialisme juridictionnel. La Cour de cassation arrive magistralement, tout en acceptant la compétence internationale en raison de la nationalité, à ne pas donner plus de priorité à ce fondement que celle qu'il mérite. [...]
[...] Une approche restrictive au détriment de la fraude constatée Depuis déjà un certain temps, la doctrine se lançait à des spéculations sur les conséquences d'une fraude en matière de compétence internationale fondée sur la nationalité. La Cour de cassation n'avait pas véritablement eu l'occasion de se prononcer directement et avec clarté sur cette question importante et encore moins en matière matrimoniale. C'est notamment pour cette raison que cet arrêt retrouve toute sa valeur pédagogique. Une lecture a contrario du texte de l'arrêt nous conduit à conclure que selon la Cour de cassation, la fraude pouvant empêcher l'application de l'article 14 en matière de divorce ne peut qu'être afférente à cette action et ne saurait s'éteindre à une fraude même liée directement aux conséquences dudit divorce [ ] en se fondant sur de motifs exclusivement afférents à l'exercice de l'autorité parentale [ ] quand l'action en divorce exercée devant le juge français [ ] était étrangère au litige [ En d'autres termes, la Cour de cassation refuse d'admettre la fraude en matière d'autorité parentale comme pouvant empêcher la compétence internationale du juge français en matière de divorce alors même qu'admettre la compétence internationale française conduirait les tribunaux français à se prononcer sur l'autorité parentale. [...]
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