Ainsi que l'écrivait Carbonnier « nul ne peut être contraint à changer de débiteur ». Cette règle est reprise dans cet arrêt de cassation de la première chambre civile de la Cour de cassation du 30 avril 2009. La Cour de cassation y traite en effet de l'inopposabilité de la cession de dettes au créancier qui n'y a pas consenti.
En l'espèce, le propriétaire d'une parcelle de terrain avait confié la construction d'une maison à un entrepreneur individuel. Celui-ci a sous-traité une partie des travaux auprès d'un autre constructeur. Des malfaçons se sont révélées, ce qui a conduit le propriétaire à assigner en justice l'ensemble des constructeurs, ainsi que leurs assureurs. Le constructeur principal a invoqué, afin de ne pas être condamné, la cession de son fonds de commerce, accompagnée d'une clause de cession de dettes.
La Cour d'appel d'Aix-en-Provence a accueilli la demande du constructeur au moyen que la cession du fonds de commerce comportait bien une clause de cession de dettes, puisqu'il était stipulé « que la totalité des créances et des dettes générées par l'activité du cédant sont transmises à l'acquéreur » et que la cession avait été consentie pour un prix symbolique d'un euro. Le propriétaire a alors formé un pourvoi en cassation.
[...] Malheureusement, notre arrêt ne précise ni les effets ni le régime juridique de la cession de dettes autorisée par le créancier. Doit-on considérer, être en présence d'une adjonction ou d'une substitution de débiteur ? L'adjonction, appelée aussi adpromissio signifierait qu'un second débiteur viendrait s'ajouter à l'ancien. On serait donc en présence d'une cession de dette imparfaite où le créancier aurait deux débiteurs. La substitution ou expromissio suppose que le nouveau débiteur remplace et libère l'ancien. C'est une cession de dette parfaite. [...]
[...] La créance étant un bien, elle doit être protégé comme tel, ainsi que le prévoit l'article premier du protocole additionnel à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH). Le droit de propriété sur cette créance doit par conséquent être protégé, ce qui implique qu'on ne puisse priver le créancier de sa créance sans qu'il y ait consenti. Cette solution constante est majoritairement approuvée par la doctrine, telle que par exemple Eugène Gaudemet ou encore Denis Mazeaud. Il est vrai qu'au regard de la protection du créancier, cette solution est nécessaire. [...]
[...] La question qui se posait à la Cour de cassation était la suivante : la cession de dettes est-elle opposable au créancier qui n'y a pas consenti ? La Cour de cassation censure la Cour d'appel au visa de l'article 1165 du Code civil, au motif que la cession de dettes ne peut pas avoir effet à l'égard du créancier qui n'y a pas consenti En d'autres termes, la cession de dettes est inopposable au créancier qui ne l'a pas accepté. [...]
[...] Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 12 mars 1946, réaffirmé par plusieurs arrêts, notamment un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 10 février 1975, il est admis qu'on ne peut pas contraindre un créancier à changer de débiteur, la cession de dettes ne devant donc pas lui être opposable. Cette solution se justifie par le caractère d'intuitu personae imprégnant la relation créancier débiteur. En effet le créancier contracte en considération de la personne de son débiteur, et plus précisément en considération de la solvabilité de son débiteur. [...]
[...] Plus étonnant encore au regard du fondement juridique : l'article 1165 du Code civil est invoqué en matière de cession de dettes pour justifier l'inopposabilité de cette cession au créancier qui n'y pas consenti, mais il n'est pas invoqué en matière de cession de créances où l'article 1690 du Code civil prévoit que la simple information du débiteur-cédé suffit. Comment justifier qu'un même article ne puisse pas être invoqué dans deux situations juridiques semblables ? Le mécanisme de la cession de créances ne diffère en effet de celui de la cession de dettes, qu'en ce qu'il s'agit non plus de céder une dette, mais un bien : une créance. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture