A la lecture de l'interrogation posée par Bernard Vareille « le logement de la famille serait-il un éternel théâtre de conflits ? », on ne peut que constater que cet arrêt de la première chambre civile en date du 3 mars 2010 est une parfaite réponse à cette question.
En l'espèce, deux personnes se sont mariées en novembre 1989 sous le régime de la séparation de biens.
Deux années plus tard, afin de garantir un prêt relatif à sa société civile immobilière (SCI), l'époux décide de consentir seul auprès d'une banque, une hypothèque sur un immeuble qui n'est autre que le logement de famille.
Par la suite, l'époux décide de donner l'immeuble en nue-propriété à son fils, tandis que s'ensuit une procédure de divorce entre les deux époux, dont l'ordonnance autorise l'épouse et le nu-propriétaire à rester dans le logement familial. Cependant, ces derniers quittent l'immeuble le 21 juin 1997.
C'est alors que le 26 mai 1998, le créancier délivre un commandement de saisie immobilière à l'encontre de la SCI et de l'époux ayant conclu l'hypothèque. Mais ces deux derniers assignent la banque en invoquant la nullité du commandement.
Concernant la banque, elle forme quant à elle une demande reconventionnelle à l'encontre du nu-propriétaire en nullité de la donation. Parallèlement, l'épouse assigne quant à elle la banque en nullité de l'hypothèque pour absence de consentement, invoquant pour se faire l'article 215 al. 3 du Code civil.
[...] De plus, l'épouse estime que le délai d'un an suivant la dissolution du régime matrimonial ne lui impose pas de résider dans le logement familial. En effet, dans son pourvoi, elle reproche à la Cour d'appel d'avoir violé les articles 30 et 31 du Code de procédure civile, ainsi que l'article 215 du code civil au motif qu'à la date de l'introduction de la demande elle n'habitait plus l'immeuble Cet argument, non sans intérêt, est pourtant réfuté par la Cour de cassation qui, par sa solution, vient poser une condition nouvelle : l'intérêt actuel qui constituerait au regard de l'espèce, le fait d'habiter dans le logement familial. [...]
[...] Toutefois, il n'en demeure pas moins que cette solution s'avère être bénéfique pour les tiers. Une solution non sans conséquences pour le conjoint et les tiers. Si l'on analyse les conséquences découlant de cette solution, on ne peut que constater que le conjoint, dont le consentement n'a pas été donné, risque le plus souvent d'être lésé puisqu'il se verra imposer la vente du logement familial sans son accord. Néanmoins, cette décision permet toutefois à ce même époux d'éviter qu'il ne fasse de l'article 215 al un moyen de pression lui permettant de faire retarder la procédure, en vue de faire échec à la saisie immobilière lorsque le cautionnement hypothécaire est actionné. [...]
[...] En effet, l'article 31 dispose que l'action soit ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ( ) Or, en caractérisant le fait que l'épouse ne demeurait plus dans le logement familial, les juges du fond ont pu démontrer l'absence d'un intérêt à agir. Ainsi, comme le dit à juste titre Bernard Vareille : [la cour d'appel] contourne la question de fond par la procédure Or, concernant l'intérêt actuel à agir, certains auteurs[3] considèrent que cela est nécessaire dans le but d'améliorer la situation du demandeur. Toutefois, force est de constater qu'en l'espèce l'épouse n'en retire aucun avantage. [...]
[...] Sur ce point, il y aurait donc dû avoir consentement des deux époux, mais la Cour de cassation ne revient pas dessus. On peut donc penser que les juges ont raisonné comme Bernard Beigner qui considère que comme l'immeuble hypothéqué appartient personnellement à l'époux, mais qu'il est affecté au logement de la famille, alors il ne s'agit pas d'un deuxième consentement nécessaire au premier, mais d'une sorte de consentement au consentement du seul époux propriétaire Par extension, il faut comprendre par là que seul l'époux propriétaire aurait qualité pour vendre le logement. [...]
[...] Quant aux conséquences relatives aux tiers, on peut considérer que cet arrêt apporte quelques avantages, puisque cette solution novatrice va dans le sens des créanciers qui auront plus de chance de voir aboutir leur procédure de saisie immobilière si l'acte de disposition ne se trouve pas annulé. Civ. 1ère 18 juin 1985. Civ. 1ère 26 janvier 2011. J. Héron ; C. [...]
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