Commentaire d'arrêt, Première Chambre civile, Cour de cassation, 3 mai 2000, formation d'un contrat, intégrité du consentement des parties, dol, juges, nullité d'un contrat, Code civil, Baldus
Le 3 mai 2000 la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt de cassation relatif à la formation d'un contrat, et plus particulièrement à l'intégrité du consentement des parties.
En 1986, Mme Boucher a vendu cinquante photographies de Baldus à 1000 francs chacune aux enchères publiques. Et en 1989, Mme Boucher a vendu quatre-vingt cinq photographies de Baldus au même prix qu'auparavant à M. Clin, le même acquéreur de 1986. Mme Boucher a appris plus tard que M. Baldus était un photographe de très grande notoriété, les photographies vendus étaient donc largement en-dessous de leurs valeurs sur le marché.
[...] Le 3 mai 2000, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Versailles le 5 décembre 1997. Les juges ont rappelé le principe selon lequel le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé Ils ont estimé qu'aucune obligation d'information ne pesait sur l'acheteur, et donc que la Cour d'appel avait violé ce principe défini à l'article 116 du Code civil. [...]
[...] Les juges du fond estiment donc que le silence de l'acheteur afin d'acquérir le bien constitue une réticence non dolosive. Cette réticence constitue une habilité de l'acheteur afin d'acquérir un bien à un prix dérisoire par rapport à la valeur de celui-ci sur le marché. Emptor debet esse curiosus (l'acheteur doit être curieux), cette phrase en latin vaut tout aussi bien pour le vendeur. Ce dernier doit, pour la Cour de cassation, la curiosité de vérifier la valeur des biens qu'il vend. En statuant ainsi les juges de cassation ont voulu responsabiliser le vendeur. [...]
[...] Cependant l'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 3 mai 2000 vient ralentir ce processus d'élargissement de la notion de dol en créant une rupture par rapport aux jurisprudences antérieures. Il renforce ici l'existence du bonus dolus, constitué par l'habilité permise dans la vie des affaires et du malus dolus, qui dépasse ce seuil de tolérance, et est donc sanctionné par le droit. Cet arrêt, du 3 mai 2000, de principe énonce donc une règle inédite en énonçant que l'obligation d'information du cocontractant n'est pas obligatoire, et réfute le devoir de loyauté comme l'avait fait l'ancienne jurisprudence. [...]
[...] Sans ce silence Mme Boucher n'aurait pas conclu à une vente, le silence du cocontractant a donc eu une forte influence sur le consentement contractuel. De plus l'auteur du dol est l'œuvre d'un des cocontractants, et non d'un tiers. Dans ce cas le dol a été déterminant et a émané du cocontractant. La Cour d'appel a donc reconnu ici une réticence dolosive, visée à l'article 1116 du Code civil, car les réticences blâmables de l'un des contractants, M. Clin, ont eu pour objet de tromper l'une des parties, Mme Boucher, afin d'obtenir son consentement à contracter. [...]
[...] Comme le rappelle l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 1er avril 1952, le dol n'est une cause de nullité de la convention que s'il émane de la partie envers laquelle l'obligation est contractée. Le dol du tiers n'étant en pris en compte que de façon exceptionnelle. L'existence d'un dol selon la Cour d'appel : M. Clin ayant déjà vendu des photographies de Baldus aux enchères publiques avant d'acheter des photographies du même photographe à Mme Boucher connaissait donc la valeur réelle de ces photographies. [...]
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