La décision de la Cour de cassation du 3 mai 2000 concernant un arrêt du 5 décembre 1997 de la Cour d'appel de Versailles est venue semer le doute quant à l'application de la définition du dol (article 1116 du Code civil) et plus précisément de la réticence dolosive.
Une femme a vendu aux enchères publiques en 1986 cinquante photographies d'un photographe qu'elle croyait peu renommé, au prix de 1000 francs pièces. En 1989, elle retrouve l'acquéreur de la vente et conclut avec lui la vente de quatre-vingts-cinq photos du même artiste, pour le même prix. C'est alors que la venderesse découvre que le photographe qu'elle croyait inconnu est en fait un photographe célèbre, de sorte qu'elle aurait pu, en connaissance de cause, vendre ses photos beaucoup plus cher que les 1000 francs proposés.
En conséquence, la venderesse porte plainte pour escroquerie, mais la juridiction pénale ne donne aucune suite à l'action publique et la plainte est close par un non-lieu. La venderesse réclame alors la nullité de la vente pour dol devant une juridiction civile. La Cour d'appel déclare l'acheteur coupable de dol et le condamne à restituer 1 915 000 francs, représentant la valeur réelle des photographies achetées après déduction du prix de vente original de 85 000 francs. L'acheteur, non satisfait, se pourvoit alors en cassation.
[...] Cet arrêt bien que critiqué a été confirmé et précisé par la 1re Chambre civile de la Cour de cassation le 17 janvier 2007 : l'acquéreur, même professionnel, n'est pas tenu d'une obligation d'information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis Il pèse bel et bien sur l'acheteur une obligation d'information, mais elle ne concerne que la valeur de l'objet. Cette jurisprudence est appliquée dans un arrêt de la 1re Chambre civile du 25 mars 2010 : si l'acheteur dissimule des informations autres que la valeur de l'objet à son cocontractant, il s'agira bien d'une réticence dolosive. Néanmoins, l'erreur sur la valeur dans le cadre d'un dol peut être sanctionnée si l'erreur a été causée par des manœuvres, énonce la 3e Chambre civile dans un arrêt du 15 novembre 2000. [...]
[...] La Cour de cassation répond par la négative et casse l'arrêt de la Cour d'appel sous le visa de l'article 1116 du Code civil. L'acheteur n'a pas manqué à l'obligation de bonne foi contractuelle et n'a pas non plus commis de dol, car il n'était soumis à aucune obligation d'information. C'est par cet arrêt de principe fondateur que la jurisprudence laisse l'acheteur libre d'informer ou non le vendeur de la valeur de son bien. Ainsi, l'obligation d'information de l'acquéreur semble être écartée par la Cour de cassation ce qui par conséquent remet en cause la bonne foi contractuelle (II). I. [...]
[...] L'affirmation d'un arrêt critiqué Par cet arrêt, la Cour de cassation a directement remis en cause la bonne foi contractuelle entre les contractants. Or la bonne foi est un des fondements du droit des contrats. Ne pas la respecter fragilise la force obligatoire du contrat et nuit à la liberté contractuelle. Pour une partie de la doctrine, cet arrêt autoriserait des personnes peu scrupuleuses de profiter de la faiblesse de leur cocontractant. En revanche, d'autres auteurs de doctrine, comme B. [...]
[...] Cette obligation pèse sur toutes les personnes, qu'elles soient professionnelles, comme l'acheteur, ou non professionnelles, comme la venderesse. Dès lors qu'une des parties détient une information pertinente déterminante du consentement, elle doit en informer l'autre partie. Ainsi, la réticence de l'acheteur est en contradiction avec l'obligation d'information et manque à la bonne foi contractuelle. Cependant, la Cour ne sanctionne pas ce manquement et approuve au contraire la conduite de l'acheteur. Ce principe permet protège la liberté contractuelle ainsi que la concurrence. [...]
[...] Son erreur n'était donc pas déterminante de son consentement. Enfin, c'est la venderesse elle-même qui a fixé le prix aux enchères publiques en 1986. On ne peut reprocher à l'acheteur d'avoir eu l'intention de la tromper dès la première vente puisqu'il n'a pas fixé le prix lui- même. De plus, en 1989, c'est également la venderesse qui a pris l'initiative de la vente en recherchant l'acheteur et en lui proposant ses photos au même prix. À aucun moment, l'acheteur n'a concrètement manœuvré pour acheter les photographies puisque c'est la venderesse qui a toujours tenu le rôle du pollicitant. [...]
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