Commentaire d'arrêt, Première Chambre civile, Cour de cassation, 28 octobre 2010, responsabilité délictuelle du mandataire
Par un acte sous seing privé, madame X en tant que propriétaire d'une maison qu'elle loue déjà à monsieur Z, a donné à bail à monsieur Y (demandeur) pour une colocation. Monsieur Z a assuré la maison auprès de la MAAF, mais monsieur Y n'a pas souscrit d'assurance locative. Mais, en ayant laissé sans surveillance une friteuse, monsieur Y va mettre feu à l'immeuble.
Monsieur Z et la MAAF ont assigné en responsabilité monsieur Y. Monsieur Y a alors assigné en garantie l'agent immobilier par l'entremise duquel le contrat de bail a été souscrit car celui-ci, l'Immobilière des pays de Condé (défendeur), avait engagé sa responsabilité à son égard. Aucune information n'est renseignée sur la première instance. Un appel est interjeté. La cour d'appel de Douai, par un arrêt du 14 mai 2009, fait droit à la demande de monsieur Y en accueillant son appel en garantie. Elle considère que l'Immobilière des pays de Condé, du fait de sa qualité de mandataire du bailleur (elle avait apposé son cachet et signé sous la rubrique mandataire), a manqué à son obligation d'information. Pour cela, l'Immobilière des pays de Condé se pourvoit donc en cassation du fait d'une méconnaissance des dispositions des articles 1er et 6 de la loi du 2 janvier 1970 par la cour d'appel. En effet, elle considère que la preuve du mandat donné à un agence immobilière ne peut être rapportée que par écrit. Or, cela n'a pas été rapporté donc à défaut de mandat écrit, sa responsabilité ne peut pas être engagée.
[...] En l'espèce, dans l'affaire jugée le 28 octobre 2010 par la Cour de cassation, rien ne montre qu'il y avait une clause autorisant l'agence à agir en tant que mandataire de la propriétaire du bien loué. Ainsi, on est bien en présence d'un mandat apparent comme l'agence a eu un comportement qui permettait au tiers de croire qu'elle agissait bien en sa qualité de mandataire. Bien que l'on soit en présence d'un mandat apparent dont la preuve écrite n'a pas été rapportée contrairement aux exigences législatives qui pèsent sur ce type de mandat du fait de la qualité d'agent immobilier du mandataire, la Cour de cassation ne reconnait aucune méconnaissance de ces dispositions. [...]
[...] Par une décision du 28 octobre 2010, la première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi de l'agence immobilière. Dans ce sens, elle considère que l'Immobilière des pays de Condé en se présentant comme mandataire de la propriétaire de la maison, madame avait manqué à son devoir d'information vis-à-vis du tiers au contrat de mandat, monsieur Y. En effet, elle lui a donné une information erronée concernant l'inutilité de souscrire une assurance locative. Par cela, elle a donc commis une faute délictuelle vis-à-vis de monsieur Y et elle ne peut donc pas se prévaloir des dispositions de la loi du 2 janvier 1970. [...]
[...] Comme on est en présence d'un pseudo contrat de mandat, la Cour de cassation considère que le non-respect de la loi de 1970 n'est pas opposable au locataire. Mais, il semble que cet arrêt soit en contradiction avec d'autres arrêts. En effet, la Cour de cassation a jugé que le mandat apparent ne peut tenir en échec les règles impératives imposant un écrit en matière de mandat portant sur une transaction immobilière (civile 1ère janvier 2008). En réalité, ici, la Cour de cassation ne considère pas que l'agence ne peut pas se prévaloir des dispositions de la loi Hoguet sur la preuve écrite du mandat du fait de la présence d'un mandat apparent, mais plutôt du fait que cette loi ne lui permet pas de se soustraire à sa responsabilité du fait de sa faute délictuelle à l'égard du tiers au contrat de mandat, on est ici sur la question de la responsabilité de l'agence. [...]
[...] D'un point de vue historique, la Cour de cassation adopte une position constante concernant la responsabilité du mandataire envers les tiers lorsqu'il commet une faute délictuelle (civile 1ère avril 1977). Mais, ce qui est intéressant, c'est qu'elle rapproche cette idée du mandat apparent, théorie déjà retenue par la jurisprudence précédente (civile 1ère mars 1965). Or, il y a des règles spécifiques vis-àvis des agents immobiliers. D'un point de vue pratique, cette décision de la Cour de cassation va dans l'intérêt des tiers au contrat de mandat qui ont été victimes de la faute délictuelle du mandataire. [...]
[...] En effet, désormais, il est possible pour les tiers d'engager la responsabilité délictuelle d'un pseudo mandataire sur le fondement de la théorie du mandat apparent en ce sens que celuici a commis une faute. Ainsi, les tiers victimes pourront donc obtenir réparation de leur dommage. Dans cette espèce, on retrouve l'articulation du principe du mandat apparent qui engage le mandant vis-à-vis des tiers, mais aussi de la faute délictuelle du pseudo-mandataire qui entraine donc l'engagement de sa responsabilité vis-à-vis des tiers victimes. [...]
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