Commentaire d'arrêt, Première Chambre civile, Cour de cassation, 22 mars 2012, cession de créance, Code civil
Dans cette affaire, plusieurs personnes, assurées auprès d'une même compagnie, avaient confié à un carrossier le soin d'effectuer les travaux de réparation sur leurs véhicules. Le carrossier s'était vu consentir une cession par ses clients de leur créance d'indemnisation à l'encontre de l'assureur. On peut imaginer qu'il s'agissait d'une cession de créance à titre de paiement. Le cessionnaire de la créance notifia les cessions au débiteur cédé par lettre recommandée avec avis de réception. En dépit de cette notification, le cédé paya directement les cédants.
Le cessionnaire exigea alors de l'assureur un second paiement en considérant que celui fait entre les mains des cédants n'était pas libératoire, dès lors que le cédé avait été informé des cessions. La Cour d'appel de Bordeaux repoussa la prétention du cessionnaire, qui n'avait pas procédé aux formalités de l'article 1690 du Code civil. C'est la raison pour laquelle le cessionnaire forma un pourvoi en cassation.
[...] Toutefois, si c'est le simple fait avoir connaissance de la cession de créance qui est déterminant, l'opposabilité devrait avoir lieu peu importe le moyen utilisé pour en rapporter la preuve. Même si la loi exige clairement un acte authentique, la Cour de cassation semble indifférente à la forme d'acceptation. Les Hauts magistrats n'auraient-ils pas dû reconnaître, d'une manière similaire, qu'une notification, dont la preuve est certaine, permet de reconnaître que la cession est connue de la compagnie d'assurance et lui est par conséquent opposable ? A l'évidence, aucune contradiction n'est à relever dans cet arrêt puisque la Cour de cassation ne fait qu'affirmer la nature originale de l'acceptation. [...]
[...] Un arrêt semblable a été rendue en matière de publicité foncière par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 12 janvier 2011 (Civ janvier 2011). Les Hauts magistrats y soutenaient qu'en cas de conflit entre 2 acquéreurs successifs, comptait uniquement l'accomplissement de la publicité exigée à peine d'opposabilité, la mauvaise foi des intéressés n'entrant pas en ligne de compte. De facto, l'arrêt d'espèce semble suivre la même logique. La loi exige la signification, à laquelle elle rattache l'opposabilité de la cession, et les juges ne semblent pas vouloir entraver ce régime par la fraude ou la mauvaise foi. [...]
[...] Certains auteurs arguent du fait qu'on ne peut attribuer au débiteur le statut de véritable tiers puisque même si ce dernier n'est pas partie à la convention de cession, il n'en est pas moins une pièce maîtresse ancrée au sein de cette cession de créance à l'égard du cessionnaire. En suivant ce raisonnement, le débiteur serait dans l'immédiat soumis aux effet du transport et aucune formalité ne s'imposerait à lui. Ainsi, le débiteur serait lié au cessionnaire à la date de la cession sans pouvoir invoquer postérieurement une quelconque exception née de ses rapports avec le cédant. [...]
[...] Selon l'article 1690 du Code civil, le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur. Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique L'une des questions les plus controversées à propos de cet article est de savoir ce que le législateur à voulu entendre précisément par le mot tiers Cette interrogation est d'autant plus importante puisqu'elle détermine ipso facto le sort réservé au débiteur. [...]
[...] Dès lors, la Cour de cassation était amené à se demander si la connaissance informelle de la cession par le cédé suffit-elle à la lui rendre opposable ? Devant la Cour de cassation, le cessionnaire, se prévalait d'une part de la fraude, reprochait à la cour d'appel de ne pas avoir recherché si le cédé n'avait pas payé les cédants à la seule fin de s'opposer abusivement à la cession intervenue Les hauts magistrats ont rejeté l'argument : la cour d'appel, procédant à la recherche visée par la première branche du moyen, a retenu, par des motifs non critiqués, que les mobiles des parties étaient indifférents à la solution du litige D'autre part, le pourvoi faisait valoir qu'en vertu de l'article 1240 du code civil, seul le paiement effectué de bonne foi entre les mains du cédant est libératoire. [...]
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