Les conventions légalement formées tiennent-elles toujours lieu de loi à ceux qui les ont faites ? La révision des honoraires que le juge s'accorde nous permet de douter. Cependant, la présente affaire nous pousse à faire les faveurs de ce pouvoir. Voyons dans quel contexte prend-il lieu et par quelles justifications pouvons-nous l'approuver.
En l'espèce, il s'agissait d'un contrat de révélation de succession liant un cabinet de généalogistes à une cocontractante. La prestation consistait à donner connaissance à la cocontractante d'une succession à elle échue et inconnue, en contrepartie d'une rémunération fixée à une fraction de l'émolument net de l'héritière. Ainsi, il lui fut porté connaissance qu'elle était héritière d'un membre de sa famille. Suite au décès de la cocontractante, son légataire universel contesta le forfait fixé par les généalogistes qu'il considérait infondé et excessif. Une première décision d'appel le débouta de sa demande de révision, mais cet arrêt fut censuré par les Hauts magistrats admettant pour la première fois un pouvoir reconnu aux tribunaux de réduire les honoraires des généalogistes (Civ. 1, 5 mai 1998).
[...] En effet un prix accepté par ce dernier après la fixation sera soumis à la force obligatoire de l'article 1134, car le client aura eu connaissance de la portée du service rendu, son consentement aura été donné en connaissance de cause (on ne pourra réviser le prix : Civ septembre 2003 ; Civ avril 2005). Une autre condition tient au caractère excessif que doit porter le prix. Le contrôle tend à rétablir un équilibre entre prix et prestation, l'action sera la réduction du prix : le juge va alors fixer un nouveau prix (généralement au rabais) d'après la valeur de l'ouvrage réalisé, en fonction du prix et du bénéfice obtenu. [...]
[...] En l'espèce nous sommes en présence d'un contrat de révélation de succession exigeant un service rendu par des généalogistes. Auparavant ces derniers étaient qualifiés d'agents d'affaires et ces contrats adoptaient la qualification avortée de sui generis, ainsi la réduction de la rémunération était la conséquence d'une sorte de lésion que l'aléa, constituant ce contrat, chassait. Or, depuis le premier arrêt de la Cour de cassation sur cette affaire (Civ mai 1998), la jurisprudence appréhenda la profession de généalogiste sous un oeil nouveau, et fit rentrer le contrat de révélation de succession dans la catégorie des contrats d'entreprise. [...]
[...] Ainsi, tel est le cas du contrat de révélation de succession, permettant alors au juge de réduire les honoraires des généalogistes A - La qualification de contrat d'entreprise emportant souplesse dans la détermination du prix Le présent arrêt évoque les notions de «service rendu» et d'«honoraires» (terme d'usage désignant le prix, constituant à l'origine la rémunération d'un mandat). Cela indique que nous somme en présence d'un contrat d'entreprise dont le régime fut fixé par la jurisprudence dès le XIXe siècle, quant à la fixation du prix tout du moins. [...]
[...] Du côté de la doctrine, une partie semblait contre ce contrôle en admettant que le prix devait compenser la bonne ou mauvaise chance pesant au dessus des généalogistes, selon le Professeur Rouast cette profession «constitue presque un service public exercé par des particuliers, en permettant d'assurer une dévolution régulière des successions» : il serait donc injuste de la soumettre au contrôle du juge. Une autre partie de la doctrine semblait en faveur de ce contrôle en raison de fréquents abus commis par les généalogistes (R. Savatier, RTD civ 724). En l'espèce cela se confirme, les juges du fond qui, par leur appréciation souveraine, estiment que «les soins, démarches et peines» bien aisées et modestes «justifiaient la réduction de moitié des honoraires réclamés». [...]
[...] Mais c'est Monsieur Libchaber qui évoque la possibilité «que la réduction des honoraires doive s'analyser en une condition d'application de (l'article 1134)». De prime abord la solution énoncée et la lettre de l'article 1134 sont contradictoires, c'est d'ailleurs l'argument principal du pourvoi. Or en l'espèce, il est bien précisé que rémunération du généalogiste (est) exagérée au regard du service rendu», au delà d'une simple vision de justice contractuelle, il faut se placer sur le terrain de l'intégrité du consentement. Il y a deux hypothèses à envisager : soit il y eut accord préalablement à la prestation, mais le consentement du client ne put être éclairé car la prestation ne peut être parfaitement évaluée ; soit il y eut fixation du prix postérieurement à la prestation, mais le client n'a pas consenti et dans ce cas on admet sans difficulté que le juge puisse fixer le prix. [...]
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