Commentaire d'arrêt, Première Chambre civile, Cour de cassation, 20 octobre 2011, erreur sur la substance de la chose, cause de nullité du contrat
La jurisprudence abonde sur l'appréciation de l'erreur sur la substance de la chose comme cause de nullité du contrat en matière de vente d'œuvres d'art. L'arrêt de rejet rendu par la Première Chambre civile de la Cour de cassation le 20 octobre 2011 en est un exemple.
En l'espèce, des époux achètent un meuble aux enchères publiques, une table à écrire en marqueterie Boulle et placage ébène, d'après le catalogue, qui précise également qu'elle est d'époque Louis XVI, avec « accidents et restaurations ». Ils estiment par la suite que cette mention est inexacte et que le meuble n'a pas simplement été restauré, il aurait été transformé au XIXe siècle.
Les acheteurs poursuivent alors l'annulation du contrat de vente, et assignent en responsabilité le commissaire priseur et l'expert de la vente. Après une décision en première instance et une décision en appel, ils se voient déboutés de leur demande, et se pourvoient en cassation. Le 31 octobre 2008, la première chambre civile casse l'arrêt attaqué, et les renvoie devant la Cour d'appel de Paris. Dans un arrêt confirmatif, c'est-à-dire allant dans le même sens que la décision de première instance, du 21 septembre 2010, celle-ci rejette leur demande d'annulation.
[...] Un arrêt d'espèce précisant l'application de l'article 1110 du Code civil L'arrêt Boulle est un arrêt d'espèce, dont la solution repose sur les faits particuliers de l'espèce, appréciés par les juges du fond mais qui nous permet tout de même d'affiner notre compréhension de l'article 1110 du Code civil sur l'erreur dans le contrat Un rejet fondé sur l'appréciation souveraine des juges du fonds Dans sa solution, la Cour de cassation reprend les constatations de la Cour d'appel sur les caractéristiques du meuble. Elle fonde son rejet des arguments du pourvoi en cassation uniquement sur des éléments relevant de l'appréciation souveraine des juges du fonds, qui suffisent d'après elle à justifier légalement la décision de la Cour d'appel. En effet, le pourvoi invoquait une violation de la loi, et notamment de l'article 2 du décret du 3 mars 1981, et de l'article 1110 du Code civil. Or, la vérification des conditions posées par ces articles repose sur l'appréciation des faits d'espèce. [...]
[...] Cet arrêt, bien qu'étant un arrêt d'espèce, nous permet donc de comprendre que pour la Cour de cassation, la substance de la chose doit s'apprécier uniquement au travers de ses qualités essentielles. Cette solution soulève cependant des interrogations importantes. II/ Une solution peu explicite, mais de portée potentiellement importante La solution de la Cour de cassation dans l'affaire Boulle est peu claire : son court attendu n'explicite pas vraiment ses motivations C'est pourquoi on peut s'interroger sur le sens de cet arrêt, et notamment sur la façon dont il faut apprécier les qualités substantielles de la chose Un attendu peu clair dans ses motivations La solution de la Cour de cassation se limite à un attendu très peu explicite. [...]
[...] Mais l'attendu peu explicite de la Cour nous permet également d'interpréter cette solution de façon plus classique, et de dire que la Cour a affirmé qu'elles étaient, pour les acquéreurs, les qualités substantielles. On peut notamment tirer cette interprétation d'une partie spécifique de l'attendu : les époux ( ) s'en étaient portés acquéreurs en considération de ces éléments Le fait que la Cour de cassation n'admette pas l'erreur quand celle-ci ne détermine pas le consentement des parties pourrait aussi nous amener à nous interroger sur l'opportunité à prendre en compte les erreurs qui, bien que n'ayant pas déterminé le consentement, restent importantes dans la mesure où le contrat aurait été conclu à des conditions très différentes : en l'occurrence, les époux se seraient probablement portés acquéreurs à un prix beaucoup plus bas. [...]
[...] La motivation de la Cour de cassation est donc un peu obscure : elle ne réfute pas clairement les moyens des requérants, et le mot originalité peut également porter à confusion. Qu'entend-elle par l'expression originalité du meuble ? Cela semble vouloir dire que les éléments cités par la Cour sont les éléments essentiels de la substance du meuble. On peut comprendre que la Cour de cassation a voulu dire par là que les qualités sur lesquelles portait l'erreur des acquéreurs n'étaient pas déterminantes de leur consentement. [...]
[...] Le 31 octobre 2008, la première chambre civile casse l'arrêt attaqué, et les renvoie devant la Cour d'appel de Paris. Dans un arrêt confirmatif, c'est-à- dire allant dans le même sens que la décision de première instance, du 21 septembre 2010, celle-ci rejette leur demande d'annulation. Les acheteurs se pourvoient alors une nouvelle fois en cassation, dans un moyen unique, constitué de sept branches. Ils considèrent que la Cour d'appel a violé les articles 1110 et 1134 du Code civil, ainsi que l'article 2 du décret du 3 mars 1981 modifié par décret du 19 juillet 2001, et notamment son deuxième alinéa, qui dispose que Lorsqu'une ou plusieurs parties de l'œuvre ou objet sont de fabrication postérieure, l'acquéreur doit en être informé. [...]
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